mardi 29 décembre 2009

Arrivée à Accra

« Si, si, si », ou « Cra, Cra, Cra », crient les voix criardes des « Mates » des « Tro tro »’s, camionnettes de plusieurs gabarits, couleurs et états, qui circulent dans toutes directions de la ville, transportant des flots de femmes, hommes et enfants donnant vie à la bourdonnante Accra, capitale du Ghana, où nous sommes depuis presque deux semaines. La ville de trois millions d’habitants est permanemment congestionnée. Ses deux centres - Kwame N’Krumah Circle, du nom du premier président du Ghana, et le Tubu, ou « Central Accra » quartier presque entièrement occupé par le gigantesque marché central d’Accra, le Makola Market, demandent chacun une demi-heure pour être traversés en voiture. Au Ghana, comme un peu partout dans le monde, tout un chacun veut son propre véhicule, et beaucoup réussissent à l’avoir si l’on compare leur situation à celle des pays voisins. Le port de la ville de Téma, une ville de Banlieue qui commence à être de plus en plus intégrée à Accra vu leur proximité, accueille à chaque semaine des centaines de véhicules « second hand » de l’Europe, ainsi que maints porte-conteneurs internationaux apportant son lot d’importations pour la population ghanéenne et pour celles de certains pays du Sahel tels que le Burkina Faso, le Mali et le Niger.

Nous avons visité Téma aujourd’hui. Le contraste fut frappant, des villages traditionnels de pêcheurs vivant dans une pauvreté et une crasse certaine, alors que, une centaine de mètre plus loin, de l’autre côté du terrain de la marine nationale, s’étalent sur une grande distance des installations portuaires gigantesque, et alors qu’au large, patientent une cinquantaine de cargos, pétroliers et porte-conteneurs.

La chaleur est, une fois de plus, écrasante. Vers 11 heures du matin, Rosalie et moi sommes déjà collés. Pas collés l’un contre l’autre, mais collés individuellement. L’humidité ambiante est étouffante et nous suons à grosses gouttes, la moins promenade fait rêver de la douche du retour. A tous les jours, il fait entre 30 et 35 degrés, et pas trop loin de 100% d’humidité, et le pire est que ce climat reste relativement stable à l’année longue. Pour moi, qui suis amateur de sec, je trouve cela assez rude. Rosalie semble s’y faire assez bien (je ne suis pas trop surpris, vous l’aurez deviné!). Les Ghanéens ne se plaignent pas trop de leur climat non plus, par ailleurs ceux-ci adorent les vêtements chics à l’occidentale (vestons, cravates, chemises et pantalons très propres!) et les portent à tout moment. Par exemple, il n’est pas surprenant de voir un gérant de dépanneur en dessous de sa cabane tôlée où la chaleur est décuplée, vêtu de sa belle chemise, de son chic pantalon et de ses souliers cirés.

Mais le summum de la tenue propre s’aperçoit principalement le dimanche, jour du seigneur. Surtout dans le Sud, les Ghanéens sont de fervents chrétiens, pour la plupart protestants. Ce matin, le propriétaire de la petite auberge sympathique et vieillotte dans laquelle nous séjournons depuis notre arrivée faisait un sermon sur la gloire de Dieu à ses trois employées, trois jolies jeunes femmes qui, bizarrement, se retrouvent souvent dans sa propre chambre le jour comme la nuit. A tout moment, les multiples églises sont animées de très bruyantes fanfares, de chants, de « preachings » des pasteurs hurlant la gloire du Christ dans leurs microphones, et surtout des répétitions préparatoires de ces multiples événements. Dans le quartier où nous restons, il existe une église à chaque cent mètres, et celle qui est la plus proche de notre auberge est opérée par un très jeune pasteur qui s’exerce pour améliorer ses talents charismatiques tous les matins.

Celui-ci a par ailleurs choisi le Nigéria comme synonyme du diable lorsqu’il veut exemplifier la dualité du bien contre le mal à ses brebis. Aujourd’hui, pour une troisième fois depuis notre arrivée, je l’ai entendu « bitcher » sur le Nigéria. Selon lui, il semblerait que le Nigéria ait gâté la douce vie des honnêtes et bons Ghanéens.

Ces derniers sont, de ce j’ai pu remarquer jusqu’à maintenant, très gentils, ouverts et accueillants à notre égard, nous aidant dans nos transports et nous mettant en garde contre de multiples arnaques. Le Ghana fait d’ailleurs figure d’exemple à plusieurs niveaux en Afrique de l’Ouest, notamment dans les dimensions de la stabilité, de la lutte contre la corruption, de la croissance et du développement en général. Il faut cependant savoir que le pays est assez riche en ressources naturelles, les ressources aurifères étant particulièrement importantes.

La démocratie y semble assez stable, seulement de légers conflits dans la région du Nord du pays causent parfois quelques remous. Actuellement, selon un spécialiste en marketing que je côtoie dans les bureaux de WUSC Ghana, Phillip, il y aurait en 2009 plusieurs centaines de morts dans la région du Nord dans le cadre de conflits interethniques. Ceux-ci prendraient racine dans l’assassinat d’un chef de clan dans le village de Dagbon qui eut lieu il y a de cela un peu moins d’une dizaine d’années. En fait, il y a eu usurpation d’un trône local par le chef d’un clan qui aurait bénéficié d’un appui du parti politique au pouvoir. Phillip me dit que le gouvernement censure les informations concernant ce conflit afin de préserver son image de climat stable pour l’investissement international. Ce qui est sûr, je n’irai pas vérifier les faits par moi-même. Par ailleurs, le consulat canadien nous interdit actuellement de visiter la région et un couvre-feu serait appliqué dans certains districts.

Dans le Sud, où les infrastructures et le commerce sont beaucoup plus développés, tout est bien calme, il n’y pas de stress, et tant mieux, puisqu’il est très mal vu de fumer des cigarettes, et je n’ai pas osé m’en griller une en public. Je n’ai remarqué qu’une seule fois quelqu’un fumer et il se cachait derrière un commerce. J’ai cependant souvent senti l’odeur du pot dans les rues, le Ghana étant reconnu comme fournisseur de marijuana aux pays voisins.

En dehors de ces considérations d’ordre général à propos du contexte ghanéen, j’ai pu rencontrer, avec grande joie, hier la directrice de l’organisation partenaire avec laquelle je vais travailler, PAMOJA, qui était au Brésil depuis une dizaine de jours. Comme je l’avais un peu soupçonné, le partenaire originel auquel j’avais été affecté a changé, sans que WUSC, l’ONG canadienne qui m’envoie au Ghana, ne me fasse part de ce changement. Je ne me plains pas trop car mon nouveau mandat, davantage axé sur le développement organisationnel, correspondra davantage à mes compétences.

Madame Millicent Akoto, Directrice de PAMOJA, nous a donc aidés hier à chercher un endroit où placer nos têtes sur nos oreillers pendant la prochaine année. Nous avons visité sept maisons et appartements et aucun ne nous plût réellement. Certaines trop délabrées, d’autres trop chères, d’autres offrant peu d’intimité, nous sommes toujours à l’affut et je pars dans 15 minutes rejoindre Rosalie pour continuer notre chasse au logis! Mon travail devrait normalement commencer la semaine prochaine et je vous donnerai plus de détails à ce sujet lors de ma prochaine correspondance!

Chers parents et amis, je vous salue tous bien chaleureusement!

Jérôme