vendredi 3 décembre 2010

Récent retour au Burkina!


Je reviens ce matin d’un voyage au Burkina Faso un peu troublant. Pas trop reposant, pas trop fatiguant, pas touristique du tout, ce voyage avait pour but initial de rencontrer tout mes amis, collègues et membres de ma belle-famille pour les saluer et prendre des nouvelles. J’avais envisagé une petite escapade en moto, mais des évènements ténébreux m’en ont empêché.

Le passage du Ghana au Burkina est un peu troublant. Le Ghana est beaucoup plus propre, plus organisé, plus sain, ses habitants y sont plus disciplinés et sérieux. Presque tout ce que j’ai appris comme nouvelle au Burkina m’a démoralisé… malgré que je ne regrette pas ce voyage car malgré tout j’aime beaucoup les burkinabés, leur gentillesse, leur hospitalité, leur capacité à pardonner, leur lenteur qui m’oblige à prendre un rythme plus humain, leur esprit chaotique et spontané qui réveille d’une certaine un côté artistique en moi qui sommeille depuis un certain temps. J'étais aussi trop content de revoir ma belle-famille qui m'a toujours aussi bien accueilli. D’autre disent que je suis attaché au Burkina « par les couilles » Le Burkina a tout à apprendre et vit un lot de malheur assez grave dû à une pauvreté matérielle et sociétale. On doit le prendre parfois comme un enfant abandonné. Je vais donc énumérer une série de faits qui m’ont assez troublé durant ce voyage de deux semaines :

Tout d’abord, je réitère tous mes vœux de sympathie pour la famille et les amis de mon amie Sylvie qui est décédée de paludisme et d’ulcères à l’estomac alors que je venais d’arriver dans sa famille à Fada. Elle est décédée à 26 ans à Ouagadougou où elle était en convalescence à l’hôpital national de la capitale. Sylvie était une animatrice née et sa mort m’a profondément touché. J’ai participé à l’enterrement, mais on ne m’a pas laissé piocher pour creuser la tombe car ma femme est enceinte et cela peut porter malheur au bébé. J’ai donc servi, pour me rendre utile, de chauffeur avec ma moto pour faire les va-et-vient entre le cimetière et la maison familiale. Une vingtaine de jeunes hommes, parents et amis, (les femmes ne sont pas admises lorsqu’on creuse la tombe) a participé à creuser la tombe en se relayant d’une manière qui démontrait une grande solidarité. Ensuite, j’ai tenté de mon mieux pour accompagner et consoler, et parfois même arracher un sourire aux lèvres, de ses frères et sœurs, que je connais très bien : Chantal, Désiré, Fidèle, Innocent, Élie, Florence, Laurent qui est en France, mais aussi sa mère, son père et les cousines Zeinabou, Bernadette, Rita, Tilarpoua et bien d’autres….Mes jours passés à Fada ont beaucoup tourné autour de cet évènement. Je sais que Sylvie aurait pu être guérie si on l’avait traitée au début de maladie et ça me fait trop de peine. Les Africains connaissent mieux la mort que nous car ils la côtoient plus souvent, en tout cas plus souvent que moi, et ils l’acceptent plus aussi plus rapidement je crois, mais je ne suis pas sûr. Même si le jour de sa mort, il y régnait une tristesse généralisée, le lendemain les gens se sont mis à sourire davantage, sachant que trop pleurer ne va pas ramener la personne et que la vie de ceux qui sont parmi eux continue. Des centaines de parents amis et voisins sont venus pendant plusieurs jours saluer la famille pour leur exprimer leurs condoléances. Ce qui me rend le plus triste c’est que je crois qu’avec un tout petit peu plus de prévention, ce décès aurait pu être évité…

Ensuite, la réélection pathétique de Blaise Compaore confirmée le 25 novembre. Au Burkina, la démocratie ne fonctionne pas comme elle le devrait. Sur plus d’une vingtaine de personnes que j’ai questionnées, une seule a voté. Je crois que tout ceux qui ont voté pour reconduire le mandat du président ne l’ont pas fait parce qu’ils y croient vraiment mais bien par intérêt personnel. Une majorité des électeurs l’ont choisi parce qu’ils ont reçu un T-shirt gratuit et un billet de mille francs. Beaucoup d’autres sont là afin d’entrer dans le système de la corruption et bénéficier d’avantages personnels. En effet, ceux qui ne font pas partie du « parti » ne peuvent « bouffer » comme les autres, et cela est très bien connu au Burkina. Le directeur de l’association avec qui je travaillais, autrefois fervent de l’opposition, a même changé de camp, car il aspire devenir maire de sa ville natale et que sans soutenir le parti il ne peut accéder à ce poste. La feuille sur laquelle apparaissent les candidats était hilarante. Blaise y apparait en première position, comme un ange, son image bien luisante, travaillée par un infographiste, alors que les photos des autres candidats y étaient peu visibles, trop sombres et pas assez contrastées, on y distinguait pas bien les visages, un peu comme si celui qui a « designé » la feuille n’avait travaillé que sur le premier candidat. Une amie à moi, vendeuse de poisson frais et de viande de gibier, devait distribuer les cartes d’identité burkinabé (CIB) de par sa position de conseillère municipale, pièce essentielle au citoyen pour prouver sa qualité d’électeur. Malheureusement, les cartes ont commencé à être distribuées seulement à 17h30 dans son secteur le jour précédent l’élection puisque Fada n’est pas un fief du parti au pouvoir. Ainsi, très peu de gens de son secteur ont pu voter. Plus de 1000 cartes d’identités étaient devant moi et le jeune qui devait les distribuer les regardaient d’un air embêté alors que des jeunes partisans du quartier venaient crier « Victoire à Blaise Compaore, le bâtisseur ». Je leur ai demandé « mais êtes vous sûr qu’il est un bon président », ils m’ont regardé, ont baissé leur tête, montrant qu’ils avaient un peu honte, puis un a repris le fameux argument que « Grâce à Blaise, il y a la paix ». C’est vrai qu’il y a la paix… mais à quel prix? Tout le système politique est corrompu jusqu’à la moelle, censure, illusions et mensonges font partie du quotidien. L’écart entre les riches et les pauvres et très grand, les maisons de Ouaga 2000 paraissent de véritables palaces ultramodernes alors que près de 90% de la population vite dans des cases ou maisonnettes en terre. Ce qui me rend triste, c’est que les électeurs burkinabés n’ont pas l’esprit patriotique, dans la politique burkinabè, on ne pense qu’à ses intérêts personnels. Les votes ont été littéralement achetés. Plusieurs m’ont affirmé que de toute façon, les autres candidats qui se sont présentés n’était pas intéressants, et qu’ils ont probablement été placés par Blaise lui-même pour n’offrir qu’une très faible concurrence. Le taux de participation au vote était par ailleurs très bas, moins de 2 millions d’électeurs auraient voté, et Blaise a été élu avec plus de 80% des votes… C’en est triste à mourir, pas de changement en vue pour le Burkina. La majorité des burkinabés savent que Blaise est mauvais, qu’il est à la tête du système de corruption qui ronge le pays, mais tout un chacun, voyant cet exemple, veut s’intégrer aussi au système. Le chef d’état du Burkina montre donc la mauvaise voie, et tout un chacun le suit… Je vois mal les portes de sorties de ce pays face à l’immense pauvreté et la terrible désorganisation qui y règne.

À Ouagadougou, tout est poussière. Lorsque j’y suis rentré, à l’heure du soleil couchant, je croyais avoir une vision de l’enfer, car la visibilité y est réduite et ont voit pleine de silhouettes très sombres se déplacer à pied, à moto et en vélo à contrejour sur un fond rougeoyant, le tout dans un chaleur étouffante. La poussière, bizarrement, semble transporter la maladie. Les maux de gorge graves (angines de gorge) et les rhumes y sont monnaie courante en dehors de la saison des pluies.

Chaque jour, au Burkina, je suis sûr que plusieurs personnes meurent d’accident de moto. Puisque le casque et le permis de conduire ne sont pas obligatoire, les accidents mortels sont monnaie courante. J’ai assisté à deux accidents en directs. Deux personnes sont mortes d’accident à Fada durant deux jours qui se suivaient dont un dont j’ai été témoin pas trop longtemps après qu’il se soit produit. J’ai vu aussi une dizaine d’autres accidents où les gens attendaient que la police vienne constater les faits. Ça me fait mal de voir les gens souffrir comme ça. On me dit que plus tôt la même année on a tenté de rendre le port du casque obligatoire et les femmes ont massivement manifesté contre car elles trouvent que les casques déforment leur coiffures. Ça me fait très mal…. La plupart des conducteurs conduisent carrément n’importe comment, regardant le trafic, la route, se fiant à leur instinct, ignorant complètement le code de la route.

J’aime la bière Burkinabée. La Brakina plus précisément. Pétillante, presque piquante, sans mousse, très légère, sans arrière-goût, avec une légère amertume peu agressive, elle procure, glacée, un rafraichissement sûr et certain face à la température fournesque qui règne au Burkina. Mais quand je vois tous les maquis à Ouaga ou Fada, je ne peux m’empêcher de me demander : combien d’argent y est dépensé pour cette boisson ennivrante. A Fada, on trouve plus d’une vingtaine de maquis et tous les soirs on y voit une foule d’hommes, et quelques femmes, qui y boivent. À plus d’un dollar la bière, je me demande pourquoi le burkinabés, si pauvres, continuent de dépenser autant en bière. C’est un réel gaspillage selon moi et ça abaisse mon moral le soir quand je passe devant ces maquis bondés…Combien d’hommes  viennent boire leur bière, manger leur poulet ou poisson grillé, alors que dans leur maison, leur famille, dépassant souvent 10 personnes, ne mange que de la pâte de maïs ou de mil (to), repas peu nutritif.

J’ai passé beaucoup de temps dans ma belle-famille à Ouaga, et j’ai découvert un des nouveaux jeunes « adoptés » par ma belle-mère. Daouda, aveugle, cousin éloigné de Rosalie, environs 12 ou 13 ans, me rend triste à chaque fois que je le croise, sa vie semble miséreuse et je le plains. Il est parrainé par un européen pour sa prise en charge mensuelle complète. Mais ses soins visuels pour apaiser sa douleur atroce aux yeux ont pris tout l’argent des mois passés, et sa famille d’accueil à Ouagadougou, faute de fonds, ne peut plus s’occuper de le nourrir, loger et vêtir, etc. Il a donc été expulsé de là, et naturellement, recueilli par ma belle-mère. Mais maintenant, puisqu’il réside chez un des membres de sa famille, il n’a plus droit à l’appui financier offert par son parrain européen, donc ma belle-mère finit par tout payer pour lui, y compris sa scolarité dans une école pour aveugles. Quand je le vois en belle-famille, il marche la tête tout le temps baissée vers la terre et ne parle pas à personne. Quand je lui adresse la parole, il me répond sèchement et me fuis. La nuit, il dort seul, sur le plancher de tuiles cassées du restaurant familial, et quand je le vois en rentrant le soir, ça me fait mal. Ma belle-mère, une fois de plus, en fait beaucoup pour des gens qui se retrouvent avec rien, elle devrait ouvrir une fondation pour recueillir des dons, elle donne des conditions minimales à des gens qui vivent dans conditions moins que minimales et c’est vraiment remarquable.

Je suis allé dans le petit village de Bougnounou où ma belle-mère a de la famille. Au maquis, j’ai rencontré une femme, la secrétaire du maire, qui s’est mise à discuter avec moi alors que je sirotais une bière en après midi après avoir passé toute la matinée à récolter le maïs dans le champ de ma belle-mère. La femme était bien sympathique et nous discutions joyeusement de tout et de rien. Rosalie m’a dit après son départ qu’elle était sidatique et qu’elle avait contaminé plusieurs hommes car elle ne résistait jamais aux avances des hommes. Je me suis demandé par la suite si je venais de parler avec une meurtrière en puissance ou une inconsciente grave… Mais ça ne m’a pas laissé indifférent. En effet, les sidatiques ont le droit de vivre comme les autres, mais pas d’enlever la vie aux autres.

J’ai visité encore une fois ma bonne vieille APRG où j’ai travaillé plus de deux ans. J’y ai été bien accueilli. Malheureusement, les choses n’ont pas trop changé, l’association survit. Seule bonne nouvelle, les projets que j’ai écrits pour eux et qui ont été financés par deux banques espagnoles et la fondation Jean-Paul 2 ont produit de bons résultats, et le partenaire avec qui j’ai longtemps travaillé, Medicus Mundi Andalucia, souhaite financer de nouveaux projets de maraîchage pour 2011. Toutefois, à l’APRG il règne une réelle attitude de stagnation, il manque de vigueur de renouveau. L’absence de discipline et quelques éléments perturbateurs empêche l’association de progresser. Malgré l’appui que j’ai pu donner, je vois que l’association a besoin de beaucoup plus, d’un réel renouveau, de nouveaux employés. Le directeur semble ne pas effectuer de détournements de fonds, ce qui est bien. Mais il m’a présenté avec fierté la récolte de ce qu’il a semé personnellement sur le champ de l’association parce que ce dernier n’est pas exploité depuis plusieurs années par l’association. Le directeur fait par ailleurs sécher cette récolte sur le terrain de l’APRG, et tout cela pour son propre compte. J’ai manqué de courage et je n’ai pu lui dire que ce qu’il faisait ce n’était pas bien, que la propriété d’une association ne doit pas favoriser l’intérêt personnel de ses employés mais plutôt celui de ses bénéficiaires, et qu’en tant que directeur il montrait un très mauvais exemple de cette manière. 

J’arrête ici, car j’aime bien ce pays malgré tout, je suis quelque qui croit en l’avenir et espère toujours pour le pays des hommes intègres, et mon désir n’est pas du tout de nuire à sa réputation . Je me permets par ailleurs de le critiquer un peu plus sévèrement après le recul pris à la suite de mon séjour au Ghana, et aussi parce que je le revisitais. Malgré donc beaucoup de tristesse, bizarrement, je ne regrette pas du tout mon voyage au Burkina, et j’y suis plus qu’attaché par les couilles, mais par le cœur aussi!

Aujourd’hui, le retour à Montréal est un peu troublant comme il se doit car ma femme et moi n’avons pas de maison, pas de véhicule pas de boulot et j’essaie de tout arranger pour mettre ces choses en place!

mercredi 27 octobre 2010

Rêve de désert et recette de steak

Il est une heure du matin et je suis réveillé depuis un bout de temps, incapable d’accueillir le sommeil dans mon corps, l’esprit agité par maints préparatifs et inspiré sans doute par mon prochain retour au Burkina dans deux semaines. Étant sur le point de terminer une série de formations en conception de projets, couronnée jusqu’à présent de succès si je dois en croire les propos des participants, qui m’a fait tourner dans divers coins du Nord du Ghana et qui se termine par Accra, je commence à préparer la fin de mon mandat, et aussi mon retour au Québec dans un mois. Par ailleurs, je ne cacherai pas que toute la gestion de l’incertitude qui plane sur mon esprit concernant ma recherche d’emploi, de logement et, de façon générale, de situation confortable pour Rosalie qui porte en elle le fruit de notre amour, ne favorise pas mon sommeil non plus.
Ceci étant dit, je me suis endormi accidentellement très tôt aujourd’hui, après avoir dégusté un steak frites absolument hallucinant, et je me suis réveillé avec la même saveur aux lèvres, sortant du même coup d’un rêve d’excursion en moto dans le désert du Burkina. Je ne sais pas si vous avez déjà fait de longues randonnées de moto dans des pistes désertiques, sous un astre brûlant, sans cachette autre que vêtements, casque et crème solaire. Il s’agit réellement d’une expérience mystique. L’immensité du désert, surtout quand on est seul, provoque un sentiment étrange de liberté et d’isolement, d’insécurité et de plénitude, et c’est très enivrant. Le ronronnement du moteur et le jeu difficile de la conduite en piste ensablée donne une dimension ludique et virile à l’aventure. Par ailleurs, mon corps à la peau huileuse est plus à l’aise en climat sec (en comparaison de celui du Ghana). Si j’arrive à emprunter la moto Kaizer de mon ami Pierre, Rwandais d’origine, qui gère les projets de l’ONG Medicus Mundi Andalucia à Ouaga, j’irai sûrement faire un tour au-delà de Dori pour une nuit ou deux, et pourquoi pas à Markoye, un petit village entourée de dunes près de la frontière malienne, revoir ce cher Mamadou qui m’a autrefois si bien accueilli selon la sobre mais combien généreuse hospitalité des peuples du Sahel profond. Seulement, son grand frère avait, par manigance, fait main basse sur la maison familiale et avait expulsé tous ses frangins. Depuis, je n’ai jamais eu de ses nouvelles car il ne connait pas l’écriture et son téléphone ne fonctionnait pas bien.

Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai envie de donner à mon blog aujourd’hui une petite touche culinaire, et de vous permettre cette orgie de la bouche que m’a donné mon steak d’aujourd’hui. La recette possède au moins deux touches particulières qui sont liées avec la terre de mon épouse, mais seule la deuxième est vraiment obligatoire pour sa réussite.

D’une part, le bœuf que nous achetons à Accra provient du Burkina et est acheminé souvent par les pasteurs semi-nomades peuls qui descendent annuellement les 1000 kilomètres qui séparent le pays des hommes intègre de la Côte d’Or à pied avec leurs troupeaux aux nombreuses têtes (et qui des fois viennent du Niger ou du Mali, ajoutez 1000 km). Ce bœuf africain, qu’on appelle zébu dans nos livres d’animaux, est assez bio si l’on oublie les vaccins et les déparasitants  qui sont de plus en plus administrés aux bœufs en Afrique de l’Ouest, ce qui ne va pas sans désavantages car cela élimine, entre autres, les vers solitaires dans la viande. A cause de ces parasites, les Africains qui n’ont pas été exposés suffisamment à  la cuisine occidentale ne mangent jamais de viande saignante, même si aujourd’hui, après maints projets de coopération en élevage bovin, beaucoup d’éleveurs utilisent ces déparasitants. Cependant, parfois, le  bœuf n’est pas tendre. Un boucher d’Accra m’a confié que puisqu’ils parcourent de si longues distances, les bœufs ont la chair particulièrement coriace au niveau des pattes. Quand je vais à la boucherie de mon quartier voisin, Médina, où de par son nom vous devinerez que la viande est toujours Hallal, toutes les pièces du bœuf égorgé le matin même sont toujours vendues au même prix, sans distinction. Évidemment, je choisis toujours les filets ainsi que les T-Bones (que seuls certains bouchers savent découper). Malheureusement, je ne m’y connais pas assez en boucherie pour identifier la bavette que j’aime aussi particulièrement. La viande coûte à peu près 5 $ le kilo. Vous comprendrez que je vais tenter d’en profiter au maximum avant de retourner au Québec. Le filet, qui est plutôt loin des cuisses est toujours tendre, et parfois extrêmement tendre.


D’autre part, j’ai appris au Burkina une façon d’utiliser l’ail pour les sautades ou grillades de steak, de légumes et de poulet qui est très simple et qui conserve toutes ses merveilles propriétés gustatives. En fait, il s’agit de badigeonner viandes ou légumes à la fin de la cuisson d’huile mélangée avec de l’ail en purée, et de ce fait, de faire cuire l’ail moins de 30 secondes. Dans le cas de la recette qui suit, comme il s’agit de sauce, je fais cuire l’ail une minute avec du poivre, de l’huile et du vin. Contrairement à bien des Nord-américains, je trouve que l’ail, lorsqu’il est trop grillé, moindrement doré, développe un bien mauvais gout.

Les Burkinabés sont spécialistes des grillades. Un bon maquis (bar-terrasse), et ils sont vraiment nombreux autant dans la capitale que dans les petites villes, n’est jamais sans son grilleur d’agneau, de brochettes, d’entrailles multiples, de poulet ou de poisson, ou son enfourneur de porc. Dans les grands maquis « dans le temps », c’est-à-dire fortement fréquentés, tous ces spécialistes de la viande et du poisson seront au rendez-vous! Et certains d’entre eux sont vraiment passés maîtres dans l’art.

Enfin, voici donc la recette toute simple et très rapide que j’ai cuisinée ce soir et que j’ai intitulée

Steak-frites Poivinaille

Recette pour 2 personnes gourmandes

Ingrédients :
·         4 gousses d’ail fraîchement réduites en purée
·         Huile (d’olive si vous avez la chance d’en avoir)
·         Pincée de sel
·         Une cuillère à thé de grains de poivre grossièrement et fraîchement moulus.
·         50 ml de vin rouge de cuisson
·         Un petit oignon coupé en quart de rondelle
·         4 tranches de filet de bœuf, d’un centimètre et demi d’épais (Je les découpe de biais pour un maximum de longueur car je suis gourmand)

1 – Mélangez les 5 premiers ingrédients dans un bol

2 -  Dans un peu d’huile, faites dorer l’oignon dans la poêle à feu moyen-fort, tout en le remuant de temps à autre, jusqu’à ce que de très légers signes de cramé apparaissent. Réservez aussitôt dans une assiette. (S’accompagnerait aussi merveilleusement de pleurotes sautées au beurre à l’ail, qui sont par chance abondantes près d’Accra)

3 – Faites chauffer la poêle pendant 30 secondes et jetez y ensuite vos steaks de filets et faites cuire 1 minute de chaque côté (plus ou moins, selon le goût. Personnellement, j’aime quand 30% à 40% de la viande est toujours rosée au centre, mais que l’extérieur est généreusement grillé). Réservez auprès de l’oignon.

4 – Versez le mélange des 5 ingrédients dans la poêle encore chaude et faites cuire 1 minute. Ensuite, jetez à nouveau vos filets dans la poêle et mélangez bien, mais rapidement, les pièces de viande et l’oignon avec la sauce.

Servez avec des frites maison, de préférence, qui seront prêtes au même moment que vos filets poivinaille. Les frites épongeront le surplus de sauce de votre assiette pour le plus grand bonheur de votre palais. 

Jouissez!

vendredi 15 octobre 2010

Formations en REFLECT

Découverte de REFLECT

Je suis présentement en session de formation sur la méthodologie REFLECT pour une semaine dans un village près de Kumasi du nom d’Akyawkrom, tout juste à coté de la localité d’Ejisu. Cette fameuse méthodologie qui est la spécialité de mon organisation partenaire utilise beaucoup d’outils pédagogiques visuels (calendriers, graphiques, illustrations, et plus) pour identifier et canaliser les idées de projets de développement des communautés rurales analphabètes tout en les alphabétisant. Près d’une trentaine de participants étaient présents et le tout était très intéressant. On y a appris surtout des méthodes d’intervention stratégiques, simplifiées, participatives et mobilisatrices pour le travail de développement en milieu rural. Comme tout ce qui tourne autour de REFLECT fait appel à la participation, les sessions sont toujours très animées, les Ghanéens aimant beaucoup émettre leur opinion, mais le transfert de la connaissance s’est effectué de façon un peu lente. Les tergiversations, parfois peu pertinentes, fusent, mais chacun est très fier de s’exprimer.

La directrice d’Action Aid Ghana, branche ghanéenne de la grande ONG anglaise qui finance Pamoja, était de passage pour voir comment fonctionne REFLECT. Elle a trouvé que les choses progressent lentement, j’espère néanmoins qu’elle comprend que l’approche participative, de par sa nature, implique certaines longueurs, peu importe le pays dans lequel on se trouve. Cependant, elle possède un tempérament très brusque, de femme d’action. Le futur de Pamoja dépend un peu de son appréciation de REFLECT car elle tend à vouloir orienter les programmes d’Action Aid vers l’approche basée sur les droits (RBA, rights based approach) au détriment de REFLECT qui met plus l’emphase sur l’approche participative en milieu rural (PRA, Participatory Rural Appraisal). L’opération consistait à la convaincre de l’utilité de REFLECT et je ne suis pas sûr que le résultat ait été atteint à la perfection. Pour ma part, j’ai tenté de montrer comment les deux approches sont complémentaires, mais le thème n’a pas été abordé formellement dans la formation.

Le déroulement de l'évènement s’est vraiment fait de façon animée. Tous les matins et tous les soirs, en alternance, chrétienne ou musulmane, une longue prière a été récitée pour bénir la journée et remercier « le seigneur » avant de commencer ou de terminer les activités. Les prières chrétiennes ont été accompagnées de longs chants très harmonieux et les prières musulmanes ont été rapidement exécutées, ce qui fait qu’en bout de ligne, ça ne m’a pas trop dérangé. De plus, environ toutes les heures, les formateurs nous ont fait lever et nous fait faire des exercices « energizers », où une fois sur deux on nous a fait bouger les fesses ou le bassin, ce qui est très rigolo car beaucoup de participants étaient très fessus. On nous a fait également claquer des mains, en criant des mots en langue Twi. Ces pratiques qui donnent une atmosphère enfantine à l’évènement sont quand même efficaces en ce qui concerne chasser la fatigue des longues journées de formation.

Les travailleurs du développement et leur vision de la condition féminine
Avant-hier on parlait de la condition féminine, thème majeur pour la branche d’Action Aid, ainsi que pour bien d’autres agences de coopération internationale. Les facilitateurs ont démontré toute l’importance de la question du genre dans l’approche REFLECT qui est largement utilisée pour intervenir auprès des femmes en milieu rural parce qu’elles constituent un groupe particulièrement marginalisé en Afrique de l’Ouest comme j’ai pu le démontrer lors de précédents messages. Un outil a été utilisé pour démontrer la différence, selon les genres, de la charge de travail quotidienne en milieu rural. L’outil « calendrier quotidien des tâches» a donc été choisi et son utilisation a clairement démontré que la charge des tâches des femmes rurales au quotidien est nettement plus lourde. La femme rurale ghanéenne typique se lève à 5 heures du matin et arrête vers 21h, sans prendre de pauses, alors que l’homme rural ghanéen typique, qui se lève à 7h, possède jusqu’à trois moment de pause dans la journée. Cette réalité, je l’ai observée partout en Afrique de l’Ouest car les tâches ménagères sans lave-vaisselle, eau-chaude, lessiveuse sont vraiment plus longues et accablantes, surtout si on tient compte de la poussière omniprésente dans l’air. Plusieurs discussions ont donc suivi après les exercices. Hommes et femmes se sont entendus sur le fait que les femmes travaillent plus longtemps que les hommes à cause de la division du travail selon les genres qui prévaut. Devant ce constat frustrant, plusieurs femmes ont décidé d'exprimer leur état d’âme. Un échange a démontré que certaines femmes acceptaient cette situation car elles avaient peur de déplaire à leur mari qui pouvait les répudier, situation socialement et économiquement insupportable car les femmes ont des opportunités d’autonomie financière beaucoup plus faibles que les hommes.

Toutefois, les hommes ont aussitôt répliqué que le travail de l’homme-type, en tant que fermier est moins long mais plus éreintant, et surtout que c’est l’homme qui rapporte l’argent à la maison et que de ce fait, cela justifie la moindre charge de travail dont ils doivent s’acquitter, dénigrant du même coup le travail de la femme qui n’est vraiment pas non plus de tout repos, mais qui n’est pas rémunéré. Je croyais alors qu’un important débat allait se lever, mais non… les femmes se sont tues et ont écouté passivement les hommes, surtout les deux ou trois plus bavards,  qui sont devenus particulièrement déchaînés. La situation a atteint un summum lorsqu’un des participants de la formation  s’est levé et a affirmé avec prestance et confiance que de toutes façons, dieu a créé l’homme supérieur à la femme et celui-ci doit la commander. Aucune femme n’a bronché, j’étais stupéfait! Ma stupéfaction venait surtout du fait que les femmes présentes dans la salle sont toute des femmes de caractère, très puissantes, qui s’expriment avec verve à propos des problèmes liés à la condition féminine en Afrique. Deux d’entre elles sont des « assembly woman », « élues locales » de leurs districts, et une, plus jeune que moi, se présente aussi pour le devenir. Les autres sont pour la plupart des dirigeantes d’ONG locales.

Encore plus choquant, c’est que les hommes sont tous aussi des « professionnels » du développement qui vivent du financement extérieur et qui gèrent des projets visant l’équité des genres, sans toutefois y croire vraiment si l’on se fie à cette situation. Ça m’a fait mal au cœur car je suis en pleine solidarité pour la cause de la femme africaine qui selon moi est réellement opprimée, et ce surtout en milieu rural. Le dîner venu, j’ai mangé sur une table occupée seulement par des participants masculins et j’ai tenté de les convaincre qu’une femme pouvait aussi être la dirigeante principale du foyer. Je leur ai donné l’exemple qu’autrefois, les esclavagistes affirmaient que Dieu avait créé les noirs pour qu’ils soient inférieurs et asservis, et que cela s’est révélé faux par la suite et j’ai pu citer mon « role-model » favori, Barrack Obama. L’argument a fait effet.

J’ai ensuite initié un débat sur les origines de l’inégalité entre hommes et femmes. J’ai expliqué que l’inégalité en matière de force physique est la cause principale de la définition du statut social en fonction des genres dans les sociétés traditionnelles puisque la force est primordiale dans les activités quotidiennes de tout un chacun, mais que les sociétés actuelles changent la nature des tâches quotidiennes (en Afrique, surtout dans les villes), et que l’inégalité des genres ne provient pas d’un choix divin. Cependant, il est parfois très difficile de convaincre quelqu’un qui a recours à des explications religieuses pour justifier ses valeurs qui guident ses pratiques. J’espère quand même avoir laissé une graine qui pourrait un jour faire germer des idées pour égalitaires.

J’ai ensuite lancé le débat auprès des femmes en leur résumant comment la transformation de la condition féminine s’est opérée au Québec. Elles furent très surprises car elles ne savaient pas du tout que les femmes canadiennes pouvaient, dans certains cas, commander leur mari au foyer. Et surtout, elles ne savaient pas qu’il y a quelques dizaines d’années, cette situation était presque impossible, et qu’il y a eu en fait un réel changement sur la condition de la femme dans notre pays et que cela s’est fait par une lutte acharnée des femmes accompagnée d’un rejet des traditions et valeurs propres à notre peuple. Mais encore une fois, les Africains sont très récalcitrants à vouloir affirmer publiquement qu’ils veulent abandonner une partie de leur culture, et ce pour « copier les blancs », et, d’une certaine façon, je ne les blâme pas à ce sujet, nous sommes tous attachés à notre culture et notre identité nous tient tous à cœur.

vendredi 10 septembre 2010

Seul homme à la marche des femmes pour l'alphabétisation, et blanc de surcroît!

Mercredi dernier, Pamoja et GNECC, subventionnés par l'UNESCO, ont organisé une marche dans le Centre-ville d'Accra. Des femmes des communautés membres de Pamoja ont défilé en chantant et en brandissant des messages rappelant l'écart en matière d'alphabétisation qui subsiste entre hommes et femmes au Ghana, que l'éducation de la nation passe aussi par les femmes, revendiquant le pouvoir de l'alphabétisation au féminin! La marche a défilé devant le ministère de l'éducation, ainsi que devant celui de la femme et de l'enfant, et devant celui de l'information pour faire sortir les ministres pour leurs rappeler leurs engagements respectifs et leur rappeler surtout les faits concernant l'état actuel des choses en matière d'alphabétisation au Ghana. Tout s'est déroulé sans incident majeur.

Dans cette marche, petite, mais très mouvementée, j'étais le seul homme, et le seul blanc!!!! Wahahaha. Les femmes étaient très surprises, et contentes, de me voir arriver le matin, voyant que la solidarité pour les femmes et l'alphabétisation dépassait leur conception des catégories sociales!

Ma mission principale ce jour là était de prendre des photos, en voici quelques unes:

mercredi 18 août 2010

Aventures Ghanéo-togolaises

Bonjour à tous,

Je reviens d’un deux semaines de vacances bien mérité à l’aventure dans les terres ghanéennes et togolaises. Deux semaines de miracles à l’Africaine : du chaos et une immense gentillesse de la part des habitants des communautés visitées.

En compagnie de ce bon vieux Mitch et de sa douce Nelly qui est au Ghana depuis quelques mois, ainsi que de tous les gens que j’ai pu rencontrer au fil des bords de route et des nombreuses rives sur lesquelles nous avons accosté, j’ai pu vivre des moments hors de l’ordinaire. Voici un peu le fil du grabuge :

1- Départ d’Accra le dimanche. Presque personne à la station de trotros (camionnettes transformées localement en minibus) sauf un crieur qui, armé de son mégaphone, arborant un sourire frisant la folie, appelle les différentes destinations des présents trotros d’une façon complètement mystérieuse. Parfois semblable à un appel à la prière, d’autre fois semblables à une chèvre en chaleur, et d’autre fois aussi sec qu’une queue de castor sur la corne d’un rhinocéros, on entend les destinations défiler : Ashaaaaaamaaaannn, aaaashaaaaoooooooo, Témaaaaaaaaaaaaa, téma, Laaaaaaaaapaz, Lapaaaaaazzzzzzzz……….

2- Arrivée en pirogue à l’auberge Manantial à Ada Foah… Cases rudimentaires en feuilles de palmier sur le bord de la mer, là où se jette le fleuve Volta, je connaissais déjà le coin mais ce fut un bonheur toujours d’y aller car il s’agit d’un lieu magnifique! Nous avons pu assister à une cérémonie de funérailles traditionnelles et avons manqué le grand festival qui commençait quelques jours plus tard! La pire bouffe que nous avons mangée…. Malheureusement, les eaux côtières ainsi que la plage sont inondés de déchets, en primeur de sachets de plastique noirs…… Nous nous baignons quand même car il fait chaud pendant la journée et le soleil plombe….

3- Arrivée à Kéta, après avoir traversé la Volta et longé une mangrove en bateau moteur, et après avoir parcouru plusieurs de dizaines de kilomètres sur une mince bande de sable entre la mer et la lagune de Kéta. Kéta est une ancienne ville coloniale dont une considérable partie à été engloutie par la mer qui a avalé le sable sur laquelle elle reposait. Heureusement qu’une digue de pierres gigantesques, financée par la Banque mondiale a été construite pour sauver la ville. Néanmoins, maintenant, elle ressemble plus à une ville fantôme, ses habitants sont peu nombreux et la plupart ont fui vers des terres plus stables. Le château Prinzenstein, construit par les Danois, ancien centre de transit d’esclaves, a été au trois quart bouffé par la mer. Une foule de bâtiments coloniaux en décrépitude ornent quand même la ville. J’ai pu constater pour la première fois de plein fouet la pratique où les communautés riveraines font leurs besoins directement sur le plage après avoir creusé un petit trou. C’est pratique car à chaque marée haute la mer provoque l’effet du tirage de chaîne, mais les désagréments pour les touristes sont assez évidents, surtout quand c’est fait devant soi après avoir tourné un coin de plage….

4- Nous partons en taxi à la frontière qui n’est pas trop loin. A quelques centaines de mètres nous traversons une route composée essentiellement de déchets….. Peu après, arrivée à la frontière. Du côté Ghanéen, pour sortir, tout va bien. Quelques papiers à remplir et un peu de patience. En rentrant au Togo, le grabuge commence… nous sommes attendus par un policier/videur qui bloque le passage de certaines personnes. Une foule de femmes commerçantes tente de rentrer et lui s’occupe de collecter des cadeaux de bien des femmes et en repousse d’autre violemment, et ce dans un corridor improvisé d’un mètre de large. On se demande si on va finalement passer. On essaie de nous dépasser à tout moment, et parfois avec succès. Une fois passés, on arrive devant un policier et son intermédiaire en civil. Il nous regarde et nous dit d’un air bête « Hmmm j’espère que vous avez vos visas ». Quand je répond « non, que l’ambassade nous a dit qu’on pouvait les obtenir sur place », il émet un long soupir qui en dit suffisamment pour qu’on sente un petit stress interne. Il nous annonce que le visa coûte 20 000 francs alors qu’on m’avait dit qu’il était de 10 000 francs…. Je lui dit que l’ambassade m’a dit que c’était 10 000. Il me répond sèchement, « je vais te renvoyer à l’ambassade moi tu vas voir ». Je ferme ma gueule bien sagement face à ce policier en plein power trip…. Une demi-heure passe avant que nos visas soient prêts et nous rentrons à Lomé. Son « assistant », visiblement un civil qui n’a rien à faire là, nous dit gentiment qu’il veut son pourboire parce qu’il nous a aidé à remplir les papiers… Nous lui laissons quelques Pesowas, pièces de monnaie ghanéennes. Après la frontière nous marchons sur le long d’une longue avenue bordée de palmiers sur le bord de la mer…. Fantastique. Je reconnais tout de suite le style de l’Afrique de l’Ouest francophone. Les gens sont encore plus gentils, la circulation est plus chaotique, les restos ont l’air meilleurs, il y a plus de poussière dans l’air….

5- Nous longeons la côte à la recherche d’un hôtel sur le bord de la mer, ce qui nous amène 45 km plus loin sur le bord de la côte dans une magnifique petite ville nommée Aného à 2 km de la frontière du Bénin. Nous nous retrouvons à dormir dans ce qui se révèle être une auberge familiale « de passe » sur le bord de la mer avec lumière bleue et porte cachée qui s’ouvre à l’arrière. Malgré tout, le personnel y est super sympathique, père, mère, fille et autres nous y servent avec bonheur. On nous y braise un thon blanc que nous avons choisi directement du filet des pêcheurs lorsqu’ils sont revenus de la mer. Le lendemain matin, je pars sur la plage, marcher dès les premières lueurs. Plusieurs gens sont réveillés et je vois les traces - une église, des vieux bâtiments délabrés - de ce qui fut à deux reprises la capitale coloniale du Togo. Sur le chemin je me fais inviter à une cérémonie vaudou puis à une expédition en mer sur des pirogues construites à partir d’un seul tronc géant. Ayant accepté positivement aux offres, nous vivrons des moments d’une folle intensité. La promenade en haute mer fut vraiment remplie d’émotions fortes, rappelant quelque peu un manège dans un parc d'amusement.

La cérémonie vaudou fut réellement puissante. Je n’ai jamais vu d’aussi grande cérémonie religieuse traditionnelle africaine. Un des féticheurs nous a pris sous son aile et nous avons participé à la cérémonie vêtus d’habits traditionnels et de colliers et bracelets grâce à lui. Sa protection s’est transformée en lourde hospitalité mystique quand il nous a emmenés dans son temple. Cérémonie de libations aux dieux suivie de calage de gin et de Guinness. Visite de différentes divinités du temple composé d’une dizaine de pièces dédiées aux sacrifices. Les divinités peintes ou représentées par des fétiches étaient pour la plupart entourées de serpents ou ornées d’armes multiples ou placées dans situations peu pacifiques. Le vaudou est encore très puissant à cet endroit et c’est assez fantastique de le découvrir sous cet angle carrément non touristique!

6- Retour à Lomé. Nous arrivons à Lomé en après-midi encore assommés par la cérémonie vaudou, mais soulagés d’être partis car on ne voulait pas nous laisser aller. On cherche un hôtel de la vitre de notre taxi, dépassé de toutes parts par des taxis-motos, et qu’est ce que nous voyons : l’hôtel Montréal. Charmés par le concept, nous n’avons pu y résister. Mais dès l’entrée, je me dis… encore un autre hôtel de passe, ou plus précisément de prostitution. De jolies péripatéticiennes y sont parquées sur la terrasse. Nelly et Mitch sont néanmoins toujours enchantés par l’idée, en quête sûrement d’un point de repère purement symbolique, donc nous décidons d’y rester. L’hôtel est entouré de bars et de dancings ultra bruyants et ma chambre, à l’étage, donne sur la rue. Je dis à mes compagnons que nous sortons cette nuit car je ne pourrai dormir avant les petites heures du matin à cause du bruit. Nous allons donc dans une boîte de nuit vers 22h en plein centre de Lomé, le Monte Cristo, qui n’a pas encore ouvert ses portes. Nous décidons alors de prendre une bière dans un nite club juste en face en attendant que la boîte s’ouvre. Dès l’entrée, l’éclairage multicolore sur fond sombre nous enivre. On entend une excellente pièce de piano jazz. Pensant qu’il s’agit d’un enregistrement, nous ne nous doutions pas qu’il y a aurait un excellent spectacle de jazz cette nuit là qui commençait avec un soliste au piano. Nous avons eu droit à un concert de jazz/latin hors pair, et avions la chance d’être à peu près les seuls clients. Nous sommes rentrés vers 2h AM et malheureusement la musique des bars environnant l’hôtel était encore plus tonitruante, ne laissant aucune possibilité à mon sommeil. J’ai donc facilement convaincu Mitch d’aller continuer la fête dans un des bars qui jouait du reggae et où une poignée de jeunes françaises s’abandonnaient à la danse rasta. Plusieurs personnes sont venues nous parler, dont une fille de joie libérienne à qui nous payâmes une bière après lui avoir expliqué que nous étions mariés et que ses services ne nous intéressaient pas. Vers 4h, on fermait le bar, et nous étions complètement saouls et j’ai écouté mon corps qui envoyait des signaux de nausée pour aller m’écraser à moitié mort dans mon lit après avoir vaguement vraiment salué Mitch et notre compagne de fortune. Ce qui est sûr, les gens aiment faire la fête à Lomé.

7- Départ pour Kpalimé, ville frontalière avec la Ghana. Jolie petite bourgade au pied d’une chaîne de montagnes. Durant le voyage en tro-tro, Deborah, une kpalimienne sympathique nous propose une auberge pour passer la nuit. Elle nous invite par ailleurs dans sa famille pour déguster un fufu ultra pimenté au lièvre fumé! Nous visitons une foire artisanale togolaise très intéressante avec ambiance de fête. Nous repérons à côté de l’hôtel un resto qui semble hors de l’ordinaire car nous étions presque en zone rurale. J’y vais le soir, seul, car je n’arrive pas à dormir tout de suite. J’y rencontre une famille super sympathique. Le resto/bistro, tenu par un togolais ayant pris des cours de gastronomie en France, est vraiment trop chouette et me transporte dans une atmosphère semi-africaine, semi-européenne. Un petit air de Jazz emplit la place d’une ambiance magnifique. Je me suis rapidement mis à socialiser avec le patron de la place qui est d’une extrême gentillesse. Nous discutons de gastronomie française, de culture et de politique dans un cadre absolument merveilleux. Sa fille, avec qui je joue une partie de cartes, vient d’arriver pour passer ses vacances après sa première année d’études à l’université Laval. Elle est très contente d’entendre mon accent. Le lendemain matin, je n’ai pas fait aucun effort pour convaincre Mitch et Nelly de venir essayer les crêpes jambons-fromage avec sauce béchamel, ainsi que le café togolais, qui se révélèrent tous exquis sauf que le café était trop puissant qui nous a électrifiés pendant une bonne heure.

8- Traversée de la frontière. Départ de Kpalimé en après-midi. Nous embarquons dans un tro-tro qui nous fait passer la frontière au travers d’un col par une route panoramique de jungle montagneuse. Le reste des passagers du trotro nous attendent pendant 30 minutes parce que nous avons des passeports (les habitants des pays de la CEDEAO, Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest, n’ont pas besoin de passeports pour traverser la frontière) et qu’on nous fait remplir des papiers que l’apprentie douanière ne comprend pas parfaitement encore. Arrivée à Hohoé au Ghana un peu avant le coucher du soleil. Myriam, amie québécoise de Nelly qui vient de terminer un stage au Ghana, nous y attend pour passer deux jours.

9- Visite des chutes de Wli et des cavernes de Likpe Totome. Premier jour, nous explorons au somment d’une montagne en pleine forêt tropicale humide des grottes infestées de chauves-souris qui ont déjà servi de cachette au peuple Gblan, qui s’y était réfugié en temps de guerre. Le lendemain, nous suivons un joli sentier dans la jungle vers les plus hautes chutes d’Afrique de l’Ouest, les chutes Wli. Un véritable coin de paradis.


10- Nous partons vers N’Kwanta. A partir de Hohoé, les routes ne sont plus asphaltées et les trajets sont vraiment longs et pénibles. La route de 150 km vers Nkwanta dans le nord de la Volta Region nous prend quelques 4 heures à parcourir en trotro. A N’kwanta, rien de spécial, nous nous préparons rapidement pour quitter le lendemain vers Dambaï, sur le bord du la Volta. Le trotro prend 3 heures avant de se remplir et le trajet dure 3 heures pour seulement quelques 70 km.

11- Arrivée à Dambaï. La route qui mène à Dambaï traverse le village et mène directement au vieux ferry qui traverse le lac Volta à cet endroit. La vue que nous avons eue en sortant du trotro était réellement magnifique. Nous avons découvert un repère de pirates (probablement aussi une auberge de passe) dans lequel nous nous sommes arrêtés pour boire une bière et regarder un film de mousquetaires, au grand bonheur de Mitch. Le deuxième étage qui offrait une terrasse et une vue probablement imprenable sur lac était carrément défoncé, à mon grand malheur. En sortant, une bande d’enseignants, dont deux qui enseignent le français nous ont interceptés, surpris de voir des blancs s’arrêter dans leur village, nous ont montré la meilleure auberge du village, nous ont présenté au commandant de la police, nous ont amené manger du fufu de tarot à la sauce arachide et gingembre accompagné de ragout de chèvre, nous ont fortement suggéré de leur payer de la bière pour qu’ils procèdent à des libations à leurs ancêtres pour bénir notre voyage, m’ont entraîné dans de fausse funérailles, et plus encore. Ils étaient très gentils, presque trop même! Ce fut une très belle journée.

12- Le lendemain, grande journée de voyage hors des sentiers battus. Un premier bateau collectif de fabrication locale contenant 75 personnes et maintes marchandises nous a amenés en longeant la côte de Dambaï à N’Jari, petit village côtier où avait lieu le jour du marché. La traversée s’est faite au son de chants Ewe et de prières dirigées par un pasteur qui voyageait avec nous. A N’Jari, j’ai fait goûter à Mitch la bière de mil. J’y ai aussi essayé le jeu de la roulette version villageoise et j’ai perdu 50 cents. Nous avons trouvé un autre bateau moteur, cette fois-ci beaucoup plus petit (10 passagers au grand maximum), à N’Jari pour aller à Ktari de l’autre coté du lac qui en fait ressemblait plus à ce niveau à un fleuve. La traversée qui dura presque deux heures consistait surtout à passer entre les troncs morts des arbres qui ont été inondés il y a de cela plusieurs décennies lors de la construction du barrage d’Akosombo qui transforma le fleuve Volta en lac Volta. Dans le minuscule village de Ktari où nous posons notre premier pas dans la Northern region du Ghana, nous nous sommes arrêtés afin de manger un repas étonnement fastueux et délicieux: Banku (pâte de maïs et manioc fermentée), Kenkey (pâte de maïs fermentée bouillie dans des feuilles de maïs), sauce graine (cuisinée à partir des graines de palmiste pilées), 2 tilapias chacun, sauce gombo, sauce piment. Le tout servi sur la seule table du seul « restaurant » du village. A Ktari, pas de moyens de transports collectifs pour se rendre plus loin. Ici, aucun trotro ne vient si ce n’est qu’une fois par semaine le jour du marché. On nous dit cependant qu’on peut engager des propriétaires de moto pour nous amener au prochain village où on peut trouver un trotro. A la fin du repas, trois motocyclistes nous attendaient pour faire la traversée. Mitch qui n’aime pas trop la moto, n’appréhendait pas trop bien l’expérience. Nous n’avons pas eu un très bon prix des motocyclistes car nous étions un peu mal pris… Peu après le départ, le conducteur de la moto où Mitch était assis a fait un accident alors qu’ils allaient à une vitesse raisonnablement élevée (alors que je leur avais dit de rouler lentement). Heureusement pour Mitch, ses blessures furent légères. Peu après, la pluie a commencé à nous fouetter correctement et nous nous sommes réfugiés dans une ferme au milieu de nulle part où, évidemment, des enfants sont sortis de toutes les directions pour venir nous observer et nous souhaiter la bienvenue comme c’est souvent le cas en Afrique. Cette route n’avait jamais vu de blancs depuis plusieurs années. Le soleil revenu, c’est moi qui ai pris le volant de la moto qui conduisait Mitch car le chauffeur avait la main réellement blessée.

Nous sommes arrivés deux heures après notre départ à Kpandaï. Il était 15h et tous les véhicules pour Salaga, notre destination finale pour la journée, avaient déjà quitté le village. Je me suis donc mis en quête d’un véhicule. Le chef local du syndicat des transporteurs nous a donc référé à un propriétaire de véhicule local avec qui Nelly et moi avons marchandé. Nous avons emprunté le véhicule en question pour une route de 50 km qui prit 3 heures encore à parcourir. A chaque quart d’heure, l’apprenti venait prendre dans cage où nous étions assis le bidon d'eau pour remplir le carburateur surement percé. Le véhicule, qui avait au moins trente ans, était en très piteux état. Il a néanmoins réussi à traverser quelques 5 lacs formés à cause des pluies récentes. Nous avons néanmoins dû descendre pour le pousser à deux reprises. L’arrière du pick-up, où nous étions assis, était constitué de barres de fer servant de structure, de telle manière que les gens sur la route nous voyaient clairement, et d’un toit assez bas qui nous forçait à rester assis au fond du véhicule. Chaque village que nous passions était l’occasion pour les enfants de crier après nous fortement et aux adultes de nous saluer des bras. Ici, les blancs ne viennent pas et les enfants nous appellent « Father », car les seuls caucasiens à venir devaient être des missionnaires des temps de la colonie. De village en village on remarque que les habitations changent de forme. Le style « case longue » du sud du Ghana laisse place aux concessions de maisons longues de style dagari pour ensuite laisser place aux cases rondes de la savane placées en rond et fermées par des murs pour délimiter les concessions familiales. On reconnait ces différents types d’habitations aux différents groupes ethniques de la région Ewes, Mawulis, Gonjas, Dagombas, Kotokalis, etc. Nous arrivons à Salaga à la tombée du jour et le chauffeur nous fait une crise lorsque nous venons pour lui donner l’argent que nous lui devons. Là un drame s’installe. Comme nous le faisons partout dans les zones reculées du Ghana, nous utilisons l’ancienne monnaie pour donner les chiffres et nous avons clairement proposé 250 000 anciens cedis, ce qui revient à 20$ pour le trajet alors que le propriétaire du véhicule s’attendait lui à recevoir 250 nouveaux cedis, ce qui revient à 200$, montant que l’on ne pouvait se permettre, et qui constituait en soi une réelle arnaque. Nous avons parlementé, discuté, expliqué notre situation au chauffeur et aux citoyens de Salaga qui venaient s’enquérir du problème avec des blancs dans leur communauté. Après une première ronde de discussions, j’ai calculé à peu près combien notre ami gagnait avec une course normale sur le même trajet aller-retour, j’ai ajouté 50% pour qu’il ferme sa gueule, et ça donnait 100 nouveaux cedis. Mais là il refusait toujours, et continuait sa crise. Une heure plus tard, un groupe de vieilles femmes et d’autres hommes se sont mis à engueuler sérieusement le chauffeur comme quoi il y avait des limites à nous arnaquer et il a été obligé d’accepter notre offre. Nous étions un peu à bout de nerfs et ce fut un bon soulagement pour nous. La scène par ailleurs se déroulait exactement sur un ancien marché d’esclaves où les peuples du Nord venaient vendre des esclaves au Ashantis qui venaient du Sud pour les acheter et les revendre aux européens sur la côte, à au moins un mois de marche de distance, sinon deux.

Le lendemain, départ pour Tamale, capitale du Nord, dernière étape avant mon retour à Accra. J’y ai laissé Nelly et Mitch qui allaient visiter le Mole National Park. Mes deux amis ont développé une sérieuse diarrhée et ont du retarder leur départ. Douze heures de trajet de nuit dans un autobus bondé, coincé, mais climatisé…. et je fus de retour à Accra!

dimanche 25 juillet 2010

Culture et changement

La culture est une dimension abstraite de la société qui, si elle est la preuve vivante de toute la puissance de la créativité humaine et si elle constitue un solide ciment social, est aussi au seuil de bien des contestations et disputes. Elle signifie beaucoup de choses, parfois confuses et peu claires. Dans les sociétés modernes, certains se demandent parfois même s’ils appartiennent à une culture, ou si une culture leur appartient toujours. Dans les sociétés traditionnelles passant vers la « modernité », la culture devient une idole que certains tentent de sauvegarder alors que s’effritent ses parties de tous cotés. Prise comme le simple fait de manger avec une fourchette, comme façon de s’habiller, comme pratique de fonctionnement dans une compagnie (culture d’entreprise) ou comme manière d’exercer le politique (la culture communiste par exemple), la culture se comprend de façons diverses et à différents degrés d’importance. D’un point de vue analytique, la culture se reconnait au travers des normes établies par ses institutions en fonctions des valeurs qui la définissent. Mais encore, la culture est en soi principale source de revendication identitaire.

Je me rends suis rendu compte depuis quelques années, dans mon travail d’appui au développement en Afrique, que deux courants « progressistes » vivent en pleine contradiction dont la synthèse a été laissée en suspens pour des fins pratiques, escamotée afin d’atteindre des « résultats ». D’une part, tout mon travail en tant que coopérant vise à transformer la culture africaine d’une façon positive. Un des exemples les plus forts de cela est que les programmes de coopération canadienne sont particulièrement traversés par l’objectif de l’équité des genres, et je reçois une forte pression pour orienter mon action à cet effet. Or, les sociétés que j’ai rencontrées en Afrique ont de ceci de commun qu’elles sont à forte tendance patriarcale, et cela s’aperçoit toujours de façon flagrante sous plusieurs traits typiques, des ménages par exemple: prise de décision, pouvoir économique, domination sociale (selon le modèle, l’homme doit être autoritaire et la femme soumise et complaisante), dimensions que l’on observe parfois encore à moindre degré dans mon pays d’origine. Maints projets de développement économiques sont destinés à renforcer la position de la femme africaine dans son ménage afin de contrebalancer l’inégale distribution du pouvoir. Je partage d’ailleurs cette vision dans mon travail, j’ai vu trop de femmes africaines souffrir de cette condition inférieure, et j’ai tellement entendu d’histoires où les femmes se retrouvent perdantes dans leur vie conjugale d’une façon que je juge grave.

D’autre part, ce dont je suis aussi parfaitement conscient, c’est que mon action vise à démembrer cette culture, au profit de ma culture que je juge supérieure sur certains points précis comme par exemple la question du genre. Si certains Africains partagent mon idée à ce niveau, un plus grand nombre trouve que s’attaquer à sa culture, surtout évoqué de cette façon, est néfaste, et je les comprends parfaitement car cette réaction est bien légitime. Les hommes, avantagés par leur position, voient difficilement pourquoi ils abandonneraient de façon volontaire leurs prérogatives sur le sexe opposé. Bien des femmes africaines, ayant assimilé leur position depuis la tendre enfance, défendent ardemment leur mode de structuration sociale selon les genres, et avancent souvent même qu’elles vivent en situation d’équité car ce partage de responsabilités (la femme s’occupant de l’entretien du ménage, et les hommes dirigeant la politique et l’économie) est juste et efficace. Dans les discours officiels de certains gouvernements africains, ou dans leurs lois, on voit des éléments de changement culturels profonds. Par exemple au Burkina Faso, la dot est interdite pour le mariage. Cependant, dans la pratique il est quasiment impossible de se marier au Burkina sans payer une dote à la famille de la mariée.

D’autre part, au Canada, on parle beaucoup du respect de la culture, de la tolérance et de l’acceptation d’autrui et de sa culture. Par ailleurs, beaucoup de concessions sont faites aux immigrants qui sont porteurs d’une culture patriarcale forte alors que les programmes canadiens de coopération en Afrique tentent de changer cela dans leurs pays d’origine….

Pour une majorité d’Africains, l’action des projets de développement en faveur de la déstabilisation du régime de l’inégalité entre hommes et femmes, correspond à une importation de valeurs étrangères en contradiction à leur contexte socioculturel. D’autres plus radicaux qualifient cela de néo-colonialisme. Et pourtant, le fondement de l’idéologie qui guide mon action se veut universaliste et pas du tout strictement canadien, occidental ou plus simplement « blanc » pour utiliser le langage africain. Cependant, il est impossible pour moi d’extraire mes pensées de ses origines, ma pensée a beau vouloir être universaliste, elle vient bien de quelque part de très précis qui n’est pas l’Afrique, et c’est généralement la chose qui apparaît la plus évidente aux Africains.

La question du genre constitue un exemple très fort de transformation culturelle opérée par les programmes de coopération en Afrique. La transformation de certains éléments a été acceptée plus facilement comme c’est le cas avec l’excision, qui n’est pas disparue pour autant, mais qui a diminué substantiellement en Afrique de l’Ouest. Toutefois, la structure décisionnelle traditionnelle fondée en partie sur la division des genres - les chefs de clan, de village, d’ethnie sont toujours des hommes – est restée malgré la mise en place de systèmes politiques « modernes » instaurés lors de la période coloniale et renouvelés lors des indépendances avec l’aide des ex-puissances coloniales, système qui de toute façon n’élève que très peu de femmes à des postes de pouvoir. Au Ghana, 19 femmes ont été élues députées pour 211 hommes. Dans bien des zones rurales, où les politiques de décentralisation lancées en Afrique de l’Ouest n’ont pas encore porté fruit, les populations se reconnaissent davantage dans leurs chefferies traditionnelles que dans les autorités politiques locales du pouvoir moderne. Cela témoigne d’un décalage énorme entre les deux systèmes politiques et empêche le bon fonctionnement de l’un ou l’autre. En effet, une démocratie à laquelle la majorité de la population n’accorde pas une importance politique prédominante est grandement handicapée. Une chefferie traditionnelle coupée des décisions importantes au niveau national ne doit se contenter d’interventions qu’au niveau local, et cela de façon amoindrie. Au Ghana, il existe une assemblée des chefs qui joue un rôle consultatif auprès du gouvernement national, mais dont l’influence n’est pas déterminante. Il en découle que la majeure partie de la population ne se préoccupe pas trop des affaires nationales alors que les autorités du pays se voient ainsi accorder une plus grande marge de manœuvre, conduisant évidemment à des abus. Du même coup, cette liberté politique, cette non-surveillance interne, accordée aux dirigeants africains compense les interventions à caractère politiques des institutions internationales telles que le FMI et la Banque Mondiale auxquelles on peut, par exemple, attribuer la mise en place des programmes de décentralisation dans nombre de pays en Afrique de l’Ouest et de nombreuses autres politiques nationales comme par exemple la modification des codes miniers qui définissent les conditions d’investissement étrangers dans le secteur minier. Dans cette dynamique, les dirigeants africains se retrouvent parfois plus contraints par des puissances extérieures que par leurs propres populations auxquelles ils doivent normalement rendre compte.

Pour ne pas trop dériver du sujet initial, rappelons que tous ces éléments de la compréhension de la société africaine doivent être analysés dans une optique culturelle pour vraiment penser l’avenir de l’Afrique. La culture, la politique et l’économie sont toutes des parties intimement liées et on ne peut transformer l’une sans penser aux conséquences que cela occasionnera sur l’autre.

Un des éléments-clé de la compréhension de la culture, c’est que dans toutes les sociétés du monde, elle change de jour en jour. Dans les cultures des sociétés traditionnelles les plus conservatrices, le contenu culturel n’est jamais fixe, même lorsqu’elles évoluent en vase clos; de générations en générations certains éléments sont rajoutés, mis de coté ou réinterprétés et viennent renouveler la composition culturelle de cette société. Par exemple, dans les sociétés vivant avec la tradition orale, même si celle-ci stimule les facultés mémorielles, certains éléments sont oubliés, expressément ou non, et ne passent pas le test des générations. Qui plus est, on constate une transformation culturelle de plus en plus rapide ces dernières années, mais encore une fois cette transformation est inégale et touche davantage le domaine du matériel, et non pas celui du social. Alima, amie malienne de Rosalie me contait une anecdote. Elle alla voir son grand-père au village au moment où les téléphones cellulaires faisaient leur apparition au Mali. Elle téléphona le frère de celui-ci en Côte d’Ivoire et les deux vieux ont pu se parler. Le grand-père, comblé de joie par cet instrument, dit à Alima que tous ces idées et objets de blancs qui viennent au Mali, lui il n’aime pas ça, mais là, cette sorcellerie des blancs qui lui permet de parler à son frère à plus de mille kilomètres à partir de sa propre case au village, c’est vraiment très bien.

Beaucoup d’Africains ne connaissent pas l’histoire des sociétés occidentales et ne savent pas qu’elles ont aussi connu un système patriarcal fort et un régime féodal, qu’on a un jour mangé avec nos mains. Ils ne savent pas qu’à un moment de l’histoire, je pense entre autres aux Croisades, les Arabes voyaient dans les Européens une bande de sauvages malpropres. Ils ne savent pas que dans ce passé, ces éléments ont été abandonnés, parfois au nom de valeurs universelles telles que l’égalité, offrant plus de chances à chacun. Donc lorsqu’on parle d’abolir certains éléments culturels discriminatoires ou bien stratégiquement nuisibles pour un développement plus égalitaire, ils comprennent que l’on veut leur imposer des éléments d’une culture purement « blanche », et que ce qu’ils vivent nous est complètement étranger, que nous ne pouvons saisir l’essentiel de leur société.

Tous ces éléments amènent à réfléchir sur le temps et le développement. Les grands changements sociétaux passent souvent par des révolutions, sanglantes ou tranquilles. En Afrique, plusieurs parmi ceux qui ont une ouverture d’esprit pour une transformation de leur société, qui critiquent les structures politiques en place, affirment que les changements réels ne peuvent être forcés; on ne bouscule pas l’ordre en place, seules les générations apprendront au fil du temps. Les objectifs du millénaire pour le développement, qu’on brandit dans combien de politiques nationales en Afrique, apparaissent alors comme des mirages. A ce sujet, les résultats parlent d’eux-mêmes. « Petit à petit, l’oiseau fait son nid » pour reprendre un proverbe que l’on retrouve dans plusieurs sociétés africaines.

D’une autre partie, bien des Africains adoptent volontiers la culture matérielle occidentale, avec une tendance vers les progrès technologiques plus ou moins récents : téléphones cellulaires, télévisions, voitures, ordinateurs pour n’en nommer que quelques uns. Ces éléments, pour des raisons pratiques, sont adoptés assez facilement. De façon opposée, le village en Afrique est source de conservatisme et son influence sur la ville est encore très déterminante, notamment parce que les chefs de famille des populations constituant les villes sont souvent nés au village. L’exode rural est encore récent en Afrique et loin d’être terminé. La culture sociale, elle, change plus lentement : les relations familiales, les relations homme-femme, la prise de décision, les attributs du pouvoir, les mariages conservent toujours une forte teinte traditionnelle en Afrique. Une transformation de cette culture sociale assez hiérarchisée n’est pas souhaitée par ceux qui en profitent.

Dans mes réflexions, et dans mes discours avec les Africains, et pour commencer avec ma femme, j’essaie toujours de différencier les éléments que je juge positifs de la culture de ceux que je juge négatifs. Si des éléments négatifs sont nombreux, les éléments positifs aussi sont nombreux. J’ai souvent écrit que j’aime cette joie sociale typique des Africains et leur optimisme là où parfois je n’en voyais pas. Les modes d’interaction sociale imbriqués dans bien des cultures ouest-africaines sont magnifiques et complexes. J’ai pu constater plusieurs techniques verbales permettant de se familiariser avec des inconnus aisément, l’exemple du cousinage à plaisanterie - où deux inconnus peuvent devenir aussitôt amis, s’insulter, mais sans se bagarrer à cause d’un lien traditionnel qui unit deux ethnies - est sûrement le plus éclairant à ce sujet. J’ai été maintes fois sidéré au Burkina par la capacité qu’ont les Burkinabè à pardonner, et j’ai personnellement beaucoup appris d’eux à ce sujet. Chaque fois que je vois ces techniques sociales, typiques de la tradition collectiviste et orale, je me réjouis et je suis charmé. La musique et la danse traditionnelle africaine sont d’autres éléments positifs vraiment impressionnants. Très peu des Africains que j’ai rencontrés dans ma vie ne savent pas danser, même si, humbles, ils vous diront le contraire. L’habillement africain est aussi un des aspects brillants de la culture africaine à mon avis. Le degré de créativité des tailleurs modernes d’habits typiquement africains est vraiment remarquable. Et ici, une intégration de nouvelles techniques et de matériaux importés avec le style africain donne des résultats fascinants. Je le dis clairement, je préfère ce style coloré et ample des Africains. De plus, si beaucoup d’Africains n’ont pas la passion de lire, la passion du discours et de l’éloquence y est cependant très poussée. Moi qui suis plus à l’aise à l’écrit, je me sens souvent dépassé par les talents oraux de mes collègues africains, surtout dans mon lieu de travail actuel où l’on trouve maints éducateurs, facilitateurs et formateurs.

Ces éléments positifs doivent servir de levier pour l’émergence d’une identité africaine nouvelle qui saura laisser de côté les pratiques néfastes du passé.

Avez-vous remarqué que j’ose parler de la culture africaine et des populations de l’Afrique de l’ouest impunément? Plusieurs ont fait remarquer que l’Afrique n’est pas un pays, ce qui est bien vrai, et que le continent où a vu le jour l’humanité est composé de milliers de groupes ethniques différents possédant leur propres langues, croyances, habitudes aliementaires, pour n’en nommer que quelques exemples. Toutefois, et je l’ai remarqué à maintes reprises, les peuples Africains que j’ai rencontrés ont beaucoup de points en commun en matière de culture…. Sacrifices de poulets, culte des ancêtres, croyance ferme en la sorcellerie, domination de l’homme sur la femme, mode collectiviste de structuration de la société, appartenance clanique, façon imagée, indirecte et colorée d’expliquer, polygamie, alliances familiales et pratique de la dot, conception du temps, funérailles joyeuses pour ceux qui ont vécu longtemps, pour n’en nommer que quelques uns. De plus, les Africains se reconnaissent fortement entre eux. Pour bien des Africains, il y a les noirs et les blancs. C’est ainsi que les « blancs » (Chinois, Arabes, Indiens, Européens, pour utiliser la terminologie courante ici) se ressemblent beaucoup entre eux alors que les Africains, eux, sont noirs et, de ce fait, vraiment différents.

CONCLUSION

Les sujets abordés sont si larges que je dois me contenir avant de les élaborer davantage. Pour les fins de mon blogue ici présent, dont j’ai dépassé largement les limites conventionnelles en termes de taille du contenu pour un article, j‘ai décidé de conclure.

L’Afrique peut elle encore se permettre de prendre des centenaires pour entreprendre un changement culturel social ? La mondialisation bat son plein et surtout, l’Afrique fait sortir ses ressources naturelles en échange de biens importés de façon croissante. L’absence d’industrialisation ou de révolution agricole laisse l’Afrique constamment à la merci des puissances étrangères alors que les Africains veulent et demande de plus en plus les produits manufacturés. Accra a ses centres d’achat et ses magasins d’électronique qui regorgent de produits importés. Tous les jours, des porte-conteneurs gigantesques en provenance d’Asie débarquent au Ghana. Souvent, ils repartent sans cargaison. Cette situation profite beaucoup à une élite de commerçants locaux et une élite politique qui gère l’intervention gouvernementale concernant les ressources naturelles, mais elle profite encore plus aux multinationales étrangères. Les Ghanéens, champions de la production du cacao (2èmes au monde), ont réussi à créer une excellente marque de tablettes de chocolat, mais celle-ci est quasiment impossible à trouver, alors que les supermarchés alignent une centaine de marques étrangères, sûrement faites de cacao ghanéen mais produites à l’étranger. Une très grande part des tissus utilisés pour les habits africains (les wax de qualité, les bazins riches et autre pagnes apparentés) proviennent de l’étranger, peut-être faits de coton africain.

Pendant ce temps, les gens du village ne comprennent pas du tout pourquoi le mode de distribution des terres agricoles devrait se faire de façon plus productive, ils préfèrent reproduire la tradition qui confère le pouvoir au chef car une des dimensions les plus importantes du pouvoir traditionnel en Afrique c’est le contrôle de la terre. Dans tous mes voyages en Afrique de l’Ouest, je n’ai vu que très rarement des grandes exploitations agricoles. Chaque fermier occupe sa petite parcelle de un, deux ou trois hectares, identifiée et cédée par le chef local, pour subvenir aux besoins de sa famille. Il y a quelque chose de naturel et de paisible dans cette démarche, sauf que pendant ce temps, le fermier veut à tout prix avoir son téléphone cellulaire, les beaux tissus importés pour sa femme, ainsi que sa moto, ou son camion pourquoi pas, et qui réalise des profits extraordinaires? Sûrement pas le fermier, et pourtant plus de la moitié de la population active en Afrique travaille toujours aux champs… J’ai rencontré une fois un fermier près de Fada N’Gourma qui a décidé de vendre la production de son champs une année pour s’acheter une moto et que cette même année là, sa famille ne mangeait pas trois fois par jour à cause de cela.

J’ai peur pour l’Afrique. J’aime ce continent qui a conservé certaines traditions réellement bonnes, ce continent qui n’a pas connu autant la pollution et la transformation majeure du paysage naturel, ce continent dont la majorité des gens vivent encore dans une certaine innocence face à ce qui se passe réellement sur la planète (je ne dis pas pour autant que cette innocence n’existe pas dans les pays du Nord). Mais ce qui me fait mal, c’est que des puissances étrangères et leurs complices locaux sont en train de la façonner à leur façon alors qu’une très grande partie de la population souffre dans les zones rurales qui composent la grande majorité des pays. Les projets de coopération qui visent à éveiller les gens sur ces problèmes, qui les invitent à sortir de leurs carcans traditionnels pour commencer à comprendre les dynamiques actuelles, ne pèsent pas le poids face à l’influence de la télé et du rêve de la richesse occidentale (qui donne une image carrément exagérée de la réalité des pays occidentaux), ainsi qu’à l’influence des multinationales agricoles qui incitent de façon vicieuse les fermiers à produire du coton, du soja, du sésame et du cacao. Les gros projets de coopération bilatérale et multilatérale gâtent souvent les Africains. Les sommes d’argent qu’on y détourne sont colossales et ne bénéficient qu’à une élite restreinte. Dans les capitales africaines, on retrouve plusieurs familles ultra-richissimes dont les fortunes se sont bâties par les positions politiques. Ces gens n’ont absolument aucun remord à bouffer des sommes qui pourraient démarrer des projets colossaux pour les zones marginalisées du pays.

L’Afrique veut profiter des bienfaits technologiques du reste du monde, mais ne comprend pas qu’il y a un lien profond qui unit l’organisation sociale et culturelle d’un pays et sa production économique. Les Africains, dans la transformation actuelle de leur culture, doivent prendre conscience des éléments négatifs qui nuisent à son émergence pour résister à l’impérialisme économique de la mondialisation actuelle. J’aime l’Afrique et j’ai la forte impression que malgré certains progrès dans plus d’un domaine, il y a des forces internationales qui se positionnent contre des changements en profondeur dans les pays africains, ne serait-ce qu’économiques. Les leçons de l’histoire montrent qu’un pays ne peut que difficilement se développer tant qu’une révolution agricole n’est pas opérée et je ne vois absolument rien qui aille dans cette direction ici. Souvent je me dis que le mode de vie africain est beau, le temps y est plus élastique, il y a beaucoup moins de stress, les gens ont l’air naturellement plus joyeux. Mais je repense toujours à cette grosse arnaque politico-économique qui maintient une exploitation honteuse en Afrique, dont les plus grands complices sont les États occidentaux, et qui a défait tant de courants progressistes en Afrique, je pense notamment à celui de Thomas Sankara au Burkina Faso, et ça me fait mal.

Je crois que même si la culture traditionnelle possède de beaux côtés, l’Afrique doit identifier ses éléments culturels négatifs qui nuisent à son développement politique et économique, pour pouvoir se tailler une place honorable sur la scène mondiale et arrêter de dépendre massivement de l’aide internationale.
(modifié le 31 juillet)

lundi 12 juillet 2010

Il pleut des avocats

Aujourd'hui, la pluie d'avocats dans le voisinage de mon nouveau bureau s'intensifie alors que nous sommes pourtant carrément hors saison. En fait, un avocatier divise les nouveaux bureaux de Pamoja de ses voisins, et la semaine dernière, un ou deux avocats gigantesques tombaient par jour juste sur le ciment devant ma fenêtre, en faisant un gros bruit sourd qui me faisait sauter. Aujourd'hui, près d'une vingtaine sont tombés, et je n'ai pu m'empêcher de tenter de venir au secours des voisins qui ne pourraient jamais tous les manger en leur proposant de leur en acheter quelques uns car en ce moment ils sont rares au marché. Par gentillesse, Suweba, la voisine, m'en a donné six. Nous en avons dégusté un ce soit et... ils sont exquis. Souvent, les fruits qui tombent des arbres et qui sont parfaitement murs sont les meilleurs. Malheureusement, ça ne s'applique pas aux deux orangers de l'autre côté du bâtiment. Car les oranges tombent, c'est qu'elles sont gâtées, et je n'ai pas encore osé les enlever directement sur leur branche....... Je crois que je vais bientôt céder à la tentation. Christelle fait une fixation sur les fruits dans les arbres, et je la comprend, c'est joli et ce sont les meilleurs!

mardi 1 juin 2010

Forum 2010 de Pamoja, et un aperçu de mon travail

La semaine dernière se terminait le forum annuel de mon organisation partenaire : Pamoja Ghana, réseau de practiciens de la méthode REFLECT (Regenerated Freirian Literacy Through Empowering Community Techniques). Nous nous sommes réunis dans la ville de Ho, pas trop loin du Togo, certains membres des régions éloignées du Nord ont effectué deux jours de transport pour assister au Forum. Il s'agit du point culminant de l'année car tous les membres (ceux qui ont pu venir) se sont rencontrés pour échanger sur les différentes expériences en matière de la méthode REFLECT. Les témoignages et histoires qui ont été racontées en ont bouleversé plus d'un. Ainsi une femme de l'organisation NOCID à Kejebi, travaillant dans les campagnes reculées de la région de la Volta, a visité un village, que l'on ne peut rejoindre qu'avec une pirogue pendant une bonne partie de l'année, où les traditions sont particulièrement contraignantes pour les femmes. Elle raconta que dans ce village, une femme ne peut ouvrir la porte de sa maison à un homme lorsque son mari est absent et que seul un homme ou garçon peut le faire, même si celui-ci à 3 ans, elle doit dans ce cas rester cachée dans sa chambre à coucher, autrement elle sera accusée de tentative d'adultère. NOCID, pour contrer de telles pratiques culturelles négatives, se sert de ses formations en alphabétisation dans les villages. Les bénéficiaires des cours apprennent donc la lecture, la numératie et l'écriture en langue locale (et en anglais pour les cours spécialisés) au travers de thèmes tels que l'équité des genres, la protection de l'environnement, l'organisation communautaire, les abus des enfants, pour ne nommer que les plus importants. Ça c'est la base de la méthode REFLECT! Elle possède aussi près d'une centaine d'outils participatifs pour la sensibilisation et l'organisation communautaire en milieu villageois pour les analphabètes et semi-alphabétisés : Maquettes, graphiques, schémas, arbres à problèmes, carte d'identification des ressources du village, et bien d'autres, dessinés sur terre rouge ou sur un tableau mobile, indiqués par des pierres, des branches ou tout autre matériel disponible répondant au besoin. Au delà de la série d'échanges et de compte-rendus sur les expériences de 2009 de chacune des organisations présentes, trois séries de conférences ont été données. Une spécialiste en droits humains de l'ONG WISE a donné un excellent exposé sur la question des humains liés au genre. Une équipe composée de l'ONG internationale Action Aid, du projet Stop Violence Against Girls, et de l'ONG Songtaba du Nord du Ghana, ont donné des exposés sur les violences faites au filles à l'école et sur les origines de la discrimination en fonction du genre en milieu rural. La première présentation a été donnée par moi-même sur le thème des racines de la vulnérabilité au Ghana. Si mon exposé ne fut pas si puissant car je ne suis pas un orateur hors pair, surtout en comparaison des gens présents qui sont soit dirigeants d'ONG, soit spécialistes en éducation ou en mobilisation communautaire, les participants ont réellement apprécié l'atelier que j'ai organisé par la suite où ils ont dû identifier les racines des vulnérabilités de leurs populations cibles. J'ai mis la barre un peu haute car mon exposé était un peu complexe, mais les participants se sont réellement creusé les méninges et ont su relevé le défi avec perspicacité. Autrement, j'ai pu remettre le rapport de mission d'enquête que j'avais effectuée en début de mandat, et j'ai aussi pu compléter des informations sur les organisations membres pour finir de mettre à jour la base de données des membres du réseau Pamoja. Ma seule déception, c'est que l'occasion n'a pas été utilisée pour exécuter l'Assemblée générale de Pamoja qui a normalement lieu à ce moment, par manque de fonds et aussi par manque de ressources pour l'organiser. Le conseil d'administration de Pamoja, pas super actif, est d'une difficulté immense à rassembler. La non-tenue de l'assemblée générale va peut-être décourager de potentiels futurs partenaires de Pamoja car elle est un gage de démocratie et de juste représentation. J'ai aussi commencé à planifier les formations que je vais donner en conception/rédaction de projet et en suivi/évaluation dans les prochains mois en région. On donne présentement un dernier coup pour la conception du site web, si tout va bien il sera prêt la semaine prochaine.