dimanche 25 juillet 2010

Culture et changement

La culture est une dimension abstraite de la société qui, si elle est la preuve vivante de toute la puissance de la créativité humaine et si elle constitue un solide ciment social, est aussi au seuil de bien des contestations et disputes. Elle signifie beaucoup de choses, parfois confuses et peu claires. Dans les sociétés modernes, certains se demandent parfois même s’ils appartiennent à une culture, ou si une culture leur appartient toujours. Dans les sociétés traditionnelles passant vers la « modernité », la culture devient une idole que certains tentent de sauvegarder alors que s’effritent ses parties de tous cotés. Prise comme le simple fait de manger avec une fourchette, comme façon de s’habiller, comme pratique de fonctionnement dans une compagnie (culture d’entreprise) ou comme manière d’exercer le politique (la culture communiste par exemple), la culture se comprend de façons diverses et à différents degrés d’importance. D’un point de vue analytique, la culture se reconnait au travers des normes établies par ses institutions en fonctions des valeurs qui la définissent. Mais encore, la culture est en soi principale source de revendication identitaire.

Je me rends suis rendu compte depuis quelques années, dans mon travail d’appui au développement en Afrique, que deux courants « progressistes » vivent en pleine contradiction dont la synthèse a été laissée en suspens pour des fins pratiques, escamotée afin d’atteindre des « résultats ». D’une part, tout mon travail en tant que coopérant vise à transformer la culture africaine d’une façon positive. Un des exemples les plus forts de cela est que les programmes de coopération canadienne sont particulièrement traversés par l’objectif de l’équité des genres, et je reçois une forte pression pour orienter mon action à cet effet. Or, les sociétés que j’ai rencontrées en Afrique ont de ceci de commun qu’elles sont à forte tendance patriarcale, et cela s’aperçoit toujours de façon flagrante sous plusieurs traits typiques, des ménages par exemple: prise de décision, pouvoir économique, domination sociale (selon le modèle, l’homme doit être autoritaire et la femme soumise et complaisante), dimensions que l’on observe parfois encore à moindre degré dans mon pays d’origine. Maints projets de développement économiques sont destinés à renforcer la position de la femme africaine dans son ménage afin de contrebalancer l’inégale distribution du pouvoir. Je partage d’ailleurs cette vision dans mon travail, j’ai vu trop de femmes africaines souffrir de cette condition inférieure, et j’ai tellement entendu d’histoires où les femmes se retrouvent perdantes dans leur vie conjugale d’une façon que je juge grave.

D’autre part, ce dont je suis aussi parfaitement conscient, c’est que mon action vise à démembrer cette culture, au profit de ma culture que je juge supérieure sur certains points précis comme par exemple la question du genre. Si certains Africains partagent mon idée à ce niveau, un plus grand nombre trouve que s’attaquer à sa culture, surtout évoqué de cette façon, est néfaste, et je les comprends parfaitement car cette réaction est bien légitime. Les hommes, avantagés par leur position, voient difficilement pourquoi ils abandonneraient de façon volontaire leurs prérogatives sur le sexe opposé. Bien des femmes africaines, ayant assimilé leur position depuis la tendre enfance, défendent ardemment leur mode de structuration sociale selon les genres, et avancent souvent même qu’elles vivent en situation d’équité car ce partage de responsabilités (la femme s’occupant de l’entretien du ménage, et les hommes dirigeant la politique et l’économie) est juste et efficace. Dans les discours officiels de certains gouvernements africains, ou dans leurs lois, on voit des éléments de changement culturels profonds. Par exemple au Burkina Faso, la dot est interdite pour le mariage. Cependant, dans la pratique il est quasiment impossible de se marier au Burkina sans payer une dote à la famille de la mariée.

D’autre part, au Canada, on parle beaucoup du respect de la culture, de la tolérance et de l’acceptation d’autrui et de sa culture. Par ailleurs, beaucoup de concessions sont faites aux immigrants qui sont porteurs d’une culture patriarcale forte alors que les programmes canadiens de coopération en Afrique tentent de changer cela dans leurs pays d’origine….

Pour une majorité d’Africains, l’action des projets de développement en faveur de la déstabilisation du régime de l’inégalité entre hommes et femmes, correspond à une importation de valeurs étrangères en contradiction à leur contexte socioculturel. D’autres plus radicaux qualifient cela de néo-colonialisme. Et pourtant, le fondement de l’idéologie qui guide mon action se veut universaliste et pas du tout strictement canadien, occidental ou plus simplement « blanc » pour utiliser le langage africain. Cependant, il est impossible pour moi d’extraire mes pensées de ses origines, ma pensée a beau vouloir être universaliste, elle vient bien de quelque part de très précis qui n’est pas l’Afrique, et c’est généralement la chose qui apparaît la plus évidente aux Africains.

La question du genre constitue un exemple très fort de transformation culturelle opérée par les programmes de coopération en Afrique. La transformation de certains éléments a été acceptée plus facilement comme c’est le cas avec l’excision, qui n’est pas disparue pour autant, mais qui a diminué substantiellement en Afrique de l’Ouest. Toutefois, la structure décisionnelle traditionnelle fondée en partie sur la division des genres - les chefs de clan, de village, d’ethnie sont toujours des hommes – est restée malgré la mise en place de systèmes politiques « modernes » instaurés lors de la période coloniale et renouvelés lors des indépendances avec l’aide des ex-puissances coloniales, système qui de toute façon n’élève que très peu de femmes à des postes de pouvoir. Au Ghana, 19 femmes ont été élues députées pour 211 hommes. Dans bien des zones rurales, où les politiques de décentralisation lancées en Afrique de l’Ouest n’ont pas encore porté fruit, les populations se reconnaissent davantage dans leurs chefferies traditionnelles que dans les autorités politiques locales du pouvoir moderne. Cela témoigne d’un décalage énorme entre les deux systèmes politiques et empêche le bon fonctionnement de l’un ou l’autre. En effet, une démocratie à laquelle la majorité de la population n’accorde pas une importance politique prédominante est grandement handicapée. Une chefferie traditionnelle coupée des décisions importantes au niveau national ne doit se contenter d’interventions qu’au niveau local, et cela de façon amoindrie. Au Ghana, il existe une assemblée des chefs qui joue un rôle consultatif auprès du gouvernement national, mais dont l’influence n’est pas déterminante. Il en découle que la majeure partie de la population ne se préoccupe pas trop des affaires nationales alors que les autorités du pays se voient ainsi accorder une plus grande marge de manœuvre, conduisant évidemment à des abus. Du même coup, cette liberté politique, cette non-surveillance interne, accordée aux dirigeants africains compense les interventions à caractère politiques des institutions internationales telles que le FMI et la Banque Mondiale auxquelles on peut, par exemple, attribuer la mise en place des programmes de décentralisation dans nombre de pays en Afrique de l’Ouest et de nombreuses autres politiques nationales comme par exemple la modification des codes miniers qui définissent les conditions d’investissement étrangers dans le secteur minier. Dans cette dynamique, les dirigeants africains se retrouvent parfois plus contraints par des puissances extérieures que par leurs propres populations auxquelles ils doivent normalement rendre compte.

Pour ne pas trop dériver du sujet initial, rappelons que tous ces éléments de la compréhension de la société africaine doivent être analysés dans une optique culturelle pour vraiment penser l’avenir de l’Afrique. La culture, la politique et l’économie sont toutes des parties intimement liées et on ne peut transformer l’une sans penser aux conséquences que cela occasionnera sur l’autre.

Un des éléments-clé de la compréhension de la culture, c’est que dans toutes les sociétés du monde, elle change de jour en jour. Dans les cultures des sociétés traditionnelles les plus conservatrices, le contenu culturel n’est jamais fixe, même lorsqu’elles évoluent en vase clos; de générations en générations certains éléments sont rajoutés, mis de coté ou réinterprétés et viennent renouveler la composition culturelle de cette société. Par exemple, dans les sociétés vivant avec la tradition orale, même si celle-ci stimule les facultés mémorielles, certains éléments sont oubliés, expressément ou non, et ne passent pas le test des générations. Qui plus est, on constate une transformation culturelle de plus en plus rapide ces dernières années, mais encore une fois cette transformation est inégale et touche davantage le domaine du matériel, et non pas celui du social. Alima, amie malienne de Rosalie me contait une anecdote. Elle alla voir son grand-père au village au moment où les téléphones cellulaires faisaient leur apparition au Mali. Elle téléphona le frère de celui-ci en Côte d’Ivoire et les deux vieux ont pu se parler. Le grand-père, comblé de joie par cet instrument, dit à Alima que tous ces idées et objets de blancs qui viennent au Mali, lui il n’aime pas ça, mais là, cette sorcellerie des blancs qui lui permet de parler à son frère à plus de mille kilomètres à partir de sa propre case au village, c’est vraiment très bien.

Beaucoup d’Africains ne connaissent pas l’histoire des sociétés occidentales et ne savent pas qu’elles ont aussi connu un système patriarcal fort et un régime féodal, qu’on a un jour mangé avec nos mains. Ils ne savent pas qu’à un moment de l’histoire, je pense entre autres aux Croisades, les Arabes voyaient dans les Européens une bande de sauvages malpropres. Ils ne savent pas que dans ce passé, ces éléments ont été abandonnés, parfois au nom de valeurs universelles telles que l’égalité, offrant plus de chances à chacun. Donc lorsqu’on parle d’abolir certains éléments culturels discriminatoires ou bien stratégiquement nuisibles pour un développement plus égalitaire, ils comprennent que l’on veut leur imposer des éléments d’une culture purement « blanche », et que ce qu’ils vivent nous est complètement étranger, que nous ne pouvons saisir l’essentiel de leur société.

Tous ces éléments amènent à réfléchir sur le temps et le développement. Les grands changements sociétaux passent souvent par des révolutions, sanglantes ou tranquilles. En Afrique, plusieurs parmi ceux qui ont une ouverture d’esprit pour une transformation de leur société, qui critiquent les structures politiques en place, affirment que les changements réels ne peuvent être forcés; on ne bouscule pas l’ordre en place, seules les générations apprendront au fil du temps. Les objectifs du millénaire pour le développement, qu’on brandit dans combien de politiques nationales en Afrique, apparaissent alors comme des mirages. A ce sujet, les résultats parlent d’eux-mêmes. « Petit à petit, l’oiseau fait son nid » pour reprendre un proverbe que l’on retrouve dans plusieurs sociétés africaines.

D’une autre partie, bien des Africains adoptent volontiers la culture matérielle occidentale, avec une tendance vers les progrès technologiques plus ou moins récents : téléphones cellulaires, télévisions, voitures, ordinateurs pour n’en nommer que quelques uns. Ces éléments, pour des raisons pratiques, sont adoptés assez facilement. De façon opposée, le village en Afrique est source de conservatisme et son influence sur la ville est encore très déterminante, notamment parce que les chefs de famille des populations constituant les villes sont souvent nés au village. L’exode rural est encore récent en Afrique et loin d’être terminé. La culture sociale, elle, change plus lentement : les relations familiales, les relations homme-femme, la prise de décision, les attributs du pouvoir, les mariages conservent toujours une forte teinte traditionnelle en Afrique. Une transformation de cette culture sociale assez hiérarchisée n’est pas souhaitée par ceux qui en profitent.

Dans mes réflexions, et dans mes discours avec les Africains, et pour commencer avec ma femme, j’essaie toujours de différencier les éléments que je juge positifs de la culture de ceux que je juge négatifs. Si des éléments négatifs sont nombreux, les éléments positifs aussi sont nombreux. J’ai souvent écrit que j’aime cette joie sociale typique des Africains et leur optimisme là où parfois je n’en voyais pas. Les modes d’interaction sociale imbriqués dans bien des cultures ouest-africaines sont magnifiques et complexes. J’ai pu constater plusieurs techniques verbales permettant de se familiariser avec des inconnus aisément, l’exemple du cousinage à plaisanterie - où deux inconnus peuvent devenir aussitôt amis, s’insulter, mais sans se bagarrer à cause d’un lien traditionnel qui unit deux ethnies - est sûrement le plus éclairant à ce sujet. J’ai été maintes fois sidéré au Burkina par la capacité qu’ont les Burkinabè à pardonner, et j’ai personnellement beaucoup appris d’eux à ce sujet. Chaque fois que je vois ces techniques sociales, typiques de la tradition collectiviste et orale, je me réjouis et je suis charmé. La musique et la danse traditionnelle africaine sont d’autres éléments positifs vraiment impressionnants. Très peu des Africains que j’ai rencontrés dans ma vie ne savent pas danser, même si, humbles, ils vous diront le contraire. L’habillement africain est aussi un des aspects brillants de la culture africaine à mon avis. Le degré de créativité des tailleurs modernes d’habits typiquement africains est vraiment remarquable. Et ici, une intégration de nouvelles techniques et de matériaux importés avec le style africain donne des résultats fascinants. Je le dis clairement, je préfère ce style coloré et ample des Africains. De plus, si beaucoup d’Africains n’ont pas la passion de lire, la passion du discours et de l’éloquence y est cependant très poussée. Moi qui suis plus à l’aise à l’écrit, je me sens souvent dépassé par les talents oraux de mes collègues africains, surtout dans mon lieu de travail actuel où l’on trouve maints éducateurs, facilitateurs et formateurs.

Ces éléments positifs doivent servir de levier pour l’émergence d’une identité africaine nouvelle qui saura laisser de côté les pratiques néfastes du passé.

Avez-vous remarqué que j’ose parler de la culture africaine et des populations de l’Afrique de l’ouest impunément? Plusieurs ont fait remarquer que l’Afrique n’est pas un pays, ce qui est bien vrai, et que le continent où a vu le jour l’humanité est composé de milliers de groupes ethniques différents possédant leur propres langues, croyances, habitudes aliementaires, pour n’en nommer que quelques exemples. Toutefois, et je l’ai remarqué à maintes reprises, les peuples Africains que j’ai rencontrés ont beaucoup de points en commun en matière de culture…. Sacrifices de poulets, culte des ancêtres, croyance ferme en la sorcellerie, domination de l’homme sur la femme, mode collectiviste de structuration de la société, appartenance clanique, façon imagée, indirecte et colorée d’expliquer, polygamie, alliances familiales et pratique de la dot, conception du temps, funérailles joyeuses pour ceux qui ont vécu longtemps, pour n’en nommer que quelques uns. De plus, les Africains se reconnaissent fortement entre eux. Pour bien des Africains, il y a les noirs et les blancs. C’est ainsi que les « blancs » (Chinois, Arabes, Indiens, Européens, pour utiliser la terminologie courante ici) se ressemblent beaucoup entre eux alors que les Africains, eux, sont noirs et, de ce fait, vraiment différents.

CONCLUSION

Les sujets abordés sont si larges que je dois me contenir avant de les élaborer davantage. Pour les fins de mon blogue ici présent, dont j’ai dépassé largement les limites conventionnelles en termes de taille du contenu pour un article, j‘ai décidé de conclure.

L’Afrique peut elle encore se permettre de prendre des centenaires pour entreprendre un changement culturel social ? La mondialisation bat son plein et surtout, l’Afrique fait sortir ses ressources naturelles en échange de biens importés de façon croissante. L’absence d’industrialisation ou de révolution agricole laisse l’Afrique constamment à la merci des puissances étrangères alors que les Africains veulent et demande de plus en plus les produits manufacturés. Accra a ses centres d’achat et ses magasins d’électronique qui regorgent de produits importés. Tous les jours, des porte-conteneurs gigantesques en provenance d’Asie débarquent au Ghana. Souvent, ils repartent sans cargaison. Cette situation profite beaucoup à une élite de commerçants locaux et une élite politique qui gère l’intervention gouvernementale concernant les ressources naturelles, mais elle profite encore plus aux multinationales étrangères. Les Ghanéens, champions de la production du cacao (2èmes au monde), ont réussi à créer une excellente marque de tablettes de chocolat, mais celle-ci est quasiment impossible à trouver, alors que les supermarchés alignent une centaine de marques étrangères, sûrement faites de cacao ghanéen mais produites à l’étranger. Une très grande part des tissus utilisés pour les habits africains (les wax de qualité, les bazins riches et autre pagnes apparentés) proviennent de l’étranger, peut-être faits de coton africain.

Pendant ce temps, les gens du village ne comprennent pas du tout pourquoi le mode de distribution des terres agricoles devrait se faire de façon plus productive, ils préfèrent reproduire la tradition qui confère le pouvoir au chef car une des dimensions les plus importantes du pouvoir traditionnel en Afrique c’est le contrôle de la terre. Dans tous mes voyages en Afrique de l’Ouest, je n’ai vu que très rarement des grandes exploitations agricoles. Chaque fermier occupe sa petite parcelle de un, deux ou trois hectares, identifiée et cédée par le chef local, pour subvenir aux besoins de sa famille. Il y a quelque chose de naturel et de paisible dans cette démarche, sauf que pendant ce temps, le fermier veut à tout prix avoir son téléphone cellulaire, les beaux tissus importés pour sa femme, ainsi que sa moto, ou son camion pourquoi pas, et qui réalise des profits extraordinaires? Sûrement pas le fermier, et pourtant plus de la moitié de la population active en Afrique travaille toujours aux champs… J’ai rencontré une fois un fermier près de Fada N’Gourma qui a décidé de vendre la production de son champs une année pour s’acheter une moto et que cette même année là, sa famille ne mangeait pas trois fois par jour à cause de cela.

J’ai peur pour l’Afrique. J’aime ce continent qui a conservé certaines traditions réellement bonnes, ce continent qui n’a pas connu autant la pollution et la transformation majeure du paysage naturel, ce continent dont la majorité des gens vivent encore dans une certaine innocence face à ce qui se passe réellement sur la planète (je ne dis pas pour autant que cette innocence n’existe pas dans les pays du Nord). Mais ce qui me fait mal, c’est que des puissances étrangères et leurs complices locaux sont en train de la façonner à leur façon alors qu’une très grande partie de la population souffre dans les zones rurales qui composent la grande majorité des pays. Les projets de coopération qui visent à éveiller les gens sur ces problèmes, qui les invitent à sortir de leurs carcans traditionnels pour commencer à comprendre les dynamiques actuelles, ne pèsent pas le poids face à l’influence de la télé et du rêve de la richesse occidentale (qui donne une image carrément exagérée de la réalité des pays occidentaux), ainsi qu’à l’influence des multinationales agricoles qui incitent de façon vicieuse les fermiers à produire du coton, du soja, du sésame et du cacao. Les gros projets de coopération bilatérale et multilatérale gâtent souvent les Africains. Les sommes d’argent qu’on y détourne sont colossales et ne bénéficient qu’à une élite restreinte. Dans les capitales africaines, on retrouve plusieurs familles ultra-richissimes dont les fortunes se sont bâties par les positions politiques. Ces gens n’ont absolument aucun remord à bouffer des sommes qui pourraient démarrer des projets colossaux pour les zones marginalisées du pays.

L’Afrique veut profiter des bienfaits technologiques du reste du monde, mais ne comprend pas qu’il y a un lien profond qui unit l’organisation sociale et culturelle d’un pays et sa production économique. Les Africains, dans la transformation actuelle de leur culture, doivent prendre conscience des éléments négatifs qui nuisent à son émergence pour résister à l’impérialisme économique de la mondialisation actuelle. J’aime l’Afrique et j’ai la forte impression que malgré certains progrès dans plus d’un domaine, il y a des forces internationales qui se positionnent contre des changements en profondeur dans les pays africains, ne serait-ce qu’économiques. Les leçons de l’histoire montrent qu’un pays ne peut que difficilement se développer tant qu’une révolution agricole n’est pas opérée et je ne vois absolument rien qui aille dans cette direction ici. Souvent je me dis que le mode de vie africain est beau, le temps y est plus élastique, il y a beaucoup moins de stress, les gens ont l’air naturellement plus joyeux. Mais je repense toujours à cette grosse arnaque politico-économique qui maintient une exploitation honteuse en Afrique, dont les plus grands complices sont les États occidentaux, et qui a défait tant de courants progressistes en Afrique, je pense notamment à celui de Thomas Sankara au Burkina Faso, et ça me fait mal.

Je crois que même si la culture traditionnelle possède de beaux côtés, l’Afrique doit identifier ses éléments culturels négatifs qui nuisent à son développement politique et économique, pour pouvoir se tailler une place honorable sur la scène mondiale et arrêter de dépendre massivement de l’aide internationale.
(modifié le 31 juillet)

4 commentaires:

J.Leblanc a dit…
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J.Leblanc a dit…

Voici un commentaire de mon amie Anne Thibault apportant un autre point de vue.


"Je suis touchée par ce que tu écris, par certains aspects de ton travail et de ton engagement que tu soulèves et qui me semblent des questions fondamentales qu'il faut oser poser et auxquelles il est important de tenter de répondre. Je te livre mes réflexions en vrac, sans trop de retenue, en espérant poursuivre le dialogue ultérieurement (nos soirées me manquent aussi, comme tu vois)!

Quand tu dis « mon action vise à démembrer cette culture, au profit de ma culture que je juge supérieure à cet effet » tu fais plus particulièrement référence au système patriarcal et à la résistance de ceux qui profitent de ce système. Mais tu démontres aussi une capacité à questionner les bases du développement international qui sont honorables, certes, qui participent d'une bonne volonté mais qui sont une lame à double tranchant. Le développement international sous-entend, de manière insidieuse que nous sommes à même de changer les choses, ailleurs, chez ceux-là qui ne savent pas que le monde a changé et que, notamment, la domination masculine est déclinant de ce côté-ci... Vraiment?

Tu mentionnes la tendance patriarcale plus forte là-bas qu'ici. Je dis que la tendance patriarcale est fortement présente partout mais revêt des apparences différentes. En Afrique, la domination masculine est franche (pourrait-on dire), crue, visible. Ici, au Québec, elle est insidieuse, camouflée derrière une façade de permissivité et de richesse. L'homme n'a plus besoin d'être autoritaire, les femmes ont complètement intégré les prérogatives masculines et elles sont convaincues d'être-libres-d'être-telles-qu'on-leur-demande-d'être. La majorité des hommes salivent devant les images de femmes un tant soit peu lascives et sont convaincus que les femmes consentent très volontairement à donner cette image. Et, surtout, les hommes sont convaincus que ces images de femmes sexuées n'ont aucune incidence sur leur perception de la femme. Et ce type d'images se retrouve partout, gravé au fer rouge dans la cire malléable du cerveau humain! Lolita est présente, aujourd'hui, dans toutes les cours d'école du primaire (les fillettes se maquillent, s'arnachent et portent des talons hauts à l'âge tendre).

Je ne peux pas m'empêcher de penser que nous sommes arrogants et présomptueux quand nous dénonçons les actes barbares des sociétés dites primitives. Est-ce que ce n'est pas une façon d'occulter les problèmes d'une société riche et de porter le regard sur des problèmes plus évidents, en quelque sorte, parce que c'est difficile de changer les choses qui sont en apparence déjà changées pour le mieux: les hommes ici sont plus roses qu'ailleurs et pourtant la prostitution, les bars de danseuses, la pornographie, sont des industries très florissantes! Pourquoi tant d'hommes battent-t-ils leurs femmes dans nos sociétés civilisées?

La domination d'un sexe sur l'autre est une question d'ordre économique, d'abord. Comme tu le dis si bien, pourquoi les hommes abandonneraient-ils volontairement leurs prérogatives sur le sexe opposé et perdraient-ils ainsi les avantages afférents? D'autant plus que les femmes sont convaincues que les hommes ont changé. Il y a un précipice entre les courants de pensée et la réalité réelle. La pratique de l'excision a diminué, certes, mais la pensée qui préside à l'excision est toujours présente: le droit de mutiler, de déformer, de violer et d'enfermer exercé sous différents prétextes mais relevant d'abord de préoccupations d'ordre économique (la propriété).

J.Leblanc a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
J.Leblanc a dit…

(suite du précédent commentaire)

Le système patriarcal est le résultat d'une collusion entre l'économie, la politique et la culture. Le Canada est un pays riche et la richesse est arrogante et la richesse est un état de fait qui exige son contraire: sans pauvreté, aucune richesse. Les gouvernements sont à la solde des multinationales et la culture est cautionnée par l'état (plus particulièrement au Québec). La culture... au fait, c'est quoi la culture? Une dimension abstraite comme tu le mentionnes, oui, effectivement et quelque chose d'éminemment concret dans sa représentation qui permet ainsi de s'y reconnaître (normes, valeurs) et de se battre en son nom, également. À ce stade, je ne peux pas m'empêcher de chercher dans mes références (déformation universitaire) une définition de la culture qui m'aide à clarifier et à départager les choses. Revenir en arrière: le concept de culture est d'origine romaine et dérive de « cultiver, demeurer, prendre soin, entretenir, préserver – et renvoie primitivement au commerce de l'homme avec la nature, au sens de culture et d'entretien de la nature en vue de la rendre propre à l'habitation humaine. En tant que tel, il indique une attitude de tendre souci, et se tient en contraste marqué avec tous les efforts pour soumettre la nature à la domination de l'homme ». (Hanna Arendt, La crise de la culture).

Un tendre souci, ça me plait, vraiment! On en est loin, non? Et les efforts de l'homme pour soumettre la nature ont porté fruit (manipulations génétiques alimentaires à grande échelle, notamment). Ce tendre souci originel n'était-il pas voué à l'échec dès l'origine parce que la multiplication de l'habitat humain implique la disparition de la nature ne serait-ce qu'en terme d'espace alloué au nombre d'individus composant l'espèce?

Je suis d'accord avec la partie de ta conclusion qui affirme que l'Afrique doit cesser de dépendre de l'aide internationale. Mais je suis tentée de dire que l'Afrique doit demeurer noire, différente, que nous sommes bien mal placés pour porter un jugement sur ce qui est bon ou mauvais. Qu'avons-nous à offrir à l'Afrique? Au supermarché, aujourd'hui, j'ai entendu un compositeur dont j'ai oublié le nom qui s'approprie les rythmes africains et les mixe avec du pop-disco-rock (il n'est pas le seul, bien sûr). Nos innovations, nos découvertes participent trop souvent du vol, de l'appropriation abusive de matière première et de main-d'œuvre... une caractéristique de notre culture?"