mercredi 7 avril 2010

Plaidoyer pour repenser la planète – un coopérant s’exprime

Même si on nous montre telle ou telle avancée dans le domaine du développement de notre chère planète - du « progrès », technologique, social, scientifique ou économique - la société humaine reste toujours largement déficiente, acéphale et sans projet réellement sensé et réfléchit. Nous n’avons toujours pas su nous engager vers ce qui constituerait le développement d’un mode de régulation de la société à l’échelle du globe, et les réticences actuelles envers un tel projet me font vivre de régulières vagues de pessimisme. Les manifestations actuelles de notre inachèvement sociétal - les guerres, les atrocités, les injustices et les aberrations morales - se répètent et se multiplient à un rythme qui me rappelle vaguement celui de la croissance de notre présence sur terre. Malgré l’imprécision de ce propos, il me fait néanmoins peur. Comment se fait-il que nous soyons allés si loin dans la maîtrise de notre environnement et que nous ne soyons pas arrivés à nous comprendre nous-mêmes, à prendre en main notre inéluctable nature sociale, souvent chancelante, d’une complexité immense, à l’image de la nature elle-même, mais tellement riche en idées et en espoirs? Notre capacité d’être conscients, qui nous différencie du reste du règne animal, nous offre le potentiel d’atteindre cela. Le défi semble d’une difficulté extrême vu l’état actuel de notre monde, mais la récompense me paraît si noble qu’il en vaut l’effort. Au-delà de ce qui reste à repenser et refaire des idéaux économiques égocentriques qui dominent encore mon pays, j’ai décidé de donner mon cœur et mon âme ailleurs, là où l’inégalité m’apparaît la plus frappante. Le séjour dans un pays du Sud ouvre de nouvelles portes et élève la conscience. Lorsque l’on prend le temps de s’imprégner de toute la richesse culturelle des sociétés au Sud, on s’étonne combien ces sociétés sont complexes, et je donne comme exemple la diversité des codes sociaux interpersonnels qui varient d’un peuple à l’autre, mais dont l’agencement est toujours subtil, pratique et profond. Cependant, une fois démystifiées les parures culturelles d’un peuple, on comprend que l’être n’est rien d’autre que lui-même d’un continent à l’autre, et qu’il partage les mêmes gammes d’émotions, et ressent surtout la même envie de vivre ensemble, au moins au niveau local. Pourquoi ce désir, cette nécessité, ne s’est pas élevée à un niveau universel alors qu’il a atteint cependant, dans bien des cas, et à différents degrés, le stade du pays-nation depuis plusieurs centaines d’années? Il reste un immense travail à abattre pour atteindre ce stade et c’est dans ce but que je souhaite œuvrer. Nous pouvons combattre les changements climatiques qui nous menacent de près et qui commencent à nous terroriser trop tard, mais aucun avenir pour l’humanité n’est pensable sans une entente mondiale préalable. Les récentes tentatives pour contrer le réchauffement de la planète montrent clairement cela. Nous réalisons tous que la mondialisation lie les devenirs de nos sociétés de façon de plus en plus étroite, et le repli sur soi qui découle parfois de ce constat n’est souvent qu’une marque de faiblesse, d’égoïsme ou de pessimisme. C’est lorsque nous aurons bien compris nos points en communs, nos spécificités et nos divergences que nous pourrons bâtir une union réelle et durable, réalisant pleinement le potentiel social qui est en nous. Les critiques du développement et de la coopération internationale ont fusé, et souvent avec raison. Par malheur, cela porta ombrages aux réussites et aux échanges localisés qui, dans le même domaine, ont permis de faire naître la prise de conscience, l’entente, l’espoir et la réalisation de projet déterminants. Au-delà de la multitude d’investissements enrobant bien des « coopérations unilatérales », je crois dans l’œuvre de milliers d’individus qui partent du Nord vers le Sud échanger leur connaissance et leur culture avec des communautés du Sud. Avec l’apport de coopérants, des milliers de projets au Sud ont pu prendre vie. Maintes communautés ont pu éviter des décès dus à des maladies gastro-intestinales en ayant accès à de l’eau potable provenant de forages. Des milliers de groupes de femmes rurales ont trouvé de nouveaux emplois, apportant un appui matériel certain à leurs ménages, et vivifiant leur confiance personnelle en tant qu’acteurs de leurs communautés. Des populations rurales entières ont pu améliorer leurs techniques agricoles afin d’obtenir des rendements céréaliers de plus en plus grands, participant à assurer la sécurité alimentaire de leurs communautés. Loin du tourisme ou du voyage, où la plupart veulent transposer leur chez-soi social ou matériel dans un cadre exotique charmeur, et souvent grossièrement folklorisé, le parcours du simple coopérant, qui croit dans sa mission d’échange, lui permet de prendre le temps de donner et de recevoir réellement. Dans cette dynamique, comme dans bien d’autres, c’est généralement en donnant le maximum que l’on reçoit le plus, la gratitude étant un fait social, non pas systématique, mais néanmoins universel. J’ai pu constater une simple chose lors de mes séjours en Afrique de l’Ouest. Quand un être humain d’une culture différente apprend que l’on pense à lui et qu’on agit réellement pour lui, que l’on tente sincèrement de le comprendre, il l’apprécie. En conséquence, comme par rebond, on sent que sa conscience de notre identité et de notre culture s’élève elle-aussi, balayant les préjugés, symptômes de la méconnaissance des peuples. Ceci est un simple mais réel exemple de la conscience sociale, telle que normalement pratiquée au niveau local, élevée au niveau planétaire. Enfin, malgré ce que je viens de dire, et ce que m’apprête à affirmer, je ne crois pas du tout que les coopérants volontaires internationaux qui interviennent sur le terrain avec intégrité à leur mission humanitaire constituent le levier décisif vers une société mondiale meilleure, unifiée. Toutefois, je crois qu’ils préparent le terrain à des échanges culturels, sociaux, économiques et politiques d’un degré beaucoup plus élevé entre les peuples. J’affirme que le dépassement de notre intérêt national actuel constitue le point de départ du changement. Il est grand temps que le l’Est, l’Ouest, le Nord et le Sud visent une plus grande entente, et cela est impossible sans réduire massivement les injustices, l’incompréhension et l’égoïsme. Il est de notre devoir, pour la survie de notre espèce et de notre environnement, d’œuvrer à l’inclusion de tous dans le développement d’un réel projet politique porteur de continuité à très long terme. Le stade de la nation limitée au niveau des pays, construits sur des frontières d’une ère coloniale ou impérialiste qui n’ont plus leur raison d’être, comme point de départ pour l’identité, la compétition, l'anarchie sur la scène politique internationale, et en bout de ligne l’autodestruction, doit être dépassé. Soyons ambitieux. Nous devons, dès maintenant - et nous avons les moyens techniques et technologiques pour le faire - élever nos consciences pour construire le « vivre ensemble » universel, la société mondiale, la nation planétaire!

2 commentaires:

La cassée a dit…

Ce texte ferait une bonne lettre ouverte à envoyer aux journaux! (Soit.dit.en.passant.)

J.Leblanc a dit…

Merci Nelly. En fait je l'avais envoyé au Devoir dans le temps des fêtes mais il n'a jamais été publié...