lundi 25 janvier 2010

Mon opinion chavire.... les pêcheurs revisited!

Revenant d’un week-end rêvé dans un petit village de pêcheurs dans la région centrale du Ghana, le village d’Otuam, mon avis sur les pêcheurs se doit d’être revu. Chanceux, toujours naviguant un peu au hasard au guidon de ma moto, recherchant l’aventure au tournant des routes latéritiques des collines du Ghana, laissant de la place à l’imprévu et à l’inattendu qui sont toujours au rendez-vous en Afrique, je suis tombé sur une sympathique et accueillante communauté de pêcheurs à quelques 80 km d’Accra. J’ai pu longuement discuter avec eux et parfaire mes connaissances des communautés riveraines. De jeunes garçons et filles m’ont guidé à travers leur village, me présentant les habitants qui se sont tous montrés accueillants. J’ai même découvert que 8 jeunes canadiennes faisaient un échange interculturel de trois mois dans le village, et qu’elles étaient particulièrement heureuses de leur sort, malgré qu’elles soient obligées de vivre dans des familles ghanéennes et adopter leurs mode de vie. Deux d’entre elles m’ont dit qu’elles n’aimaient pas trop le poisson et qu’elles rêvaient de bouffe canadienne. Quant à moi, je me suis mangé une excellente sole meunière ainsi qu’un barracuda grillé, long poisson filiforme aux arêtes bleues et à la chair ferme, accompagné d’une sauce locale bien pimentée comme il se doit, car au Ghana le piment est roi. Ce type d’échange interculturel a particulière aidé à paver le terrain à ma venue; en tant que canadien, je fus choyé. Le village d’Otuam n’a pas été attaqué par le tourisme encore, la magnifique auberge où je suis resté est encore très jeune et très peu connue. En fait, le tourisme n’a pas encore gâté la mentalité de ses habitants et l’échange culturel a plutôt participé à donner une autre vision du « blanc », une vision autre qu’une banque ambulante. Certes, j’ai rencontré quelques gens qui m’ont demandé de l’argent comme ce fut le cas dans les autres villages de pêcheurs. Toutefois, d’autres m’ont posé plusieurs questions sur mon pays et notre façon de vivre. Certains m’ont offert d’aller avec eux en haute mer tandis que d’autres se sont baignés avec moi.

Je leur ai même donné un coup de main pour faire sortir leurs lourds bateaux de l’eau. Ma méconnaissance de leur technique m’a valu quelques railleries. Un vieux est venu me dire de ne pas utiliser la force mais l’intelligence, commentaire que j’ai accueilli avec humilité. En fait, au son d’un chanteur qui entonne une simple mélodie ponctuée de temps forts pour marquer la cadence, les hommes forcent modérément, mais en arquant leur corps et usant de leur masse corporelle, pour tirer peu à peu, à l’aide de deux planches et un rondin placées en dessous du bateau, celui-ci sur la plage. Tirer à l’abri des marées une telle embarcation de bois dur massif peut prendre plus d’une demi-heure.

Encore une fois, j’ai pu remarquer que leurs prises ne sont pas du tout intéressantes, trop de petits poissons sont pris dans les filets. En fait, les pêcheurs ont dû resserrer leurs mailles ces dernières années car la faune marine est fortement réduite dûe à la surpêche, ce qui à long terme est évidemment néfaste car petit poisson n’a plus le temps de devenir grand. Un pêcheur au Ghana ne gagne environ que 200$ par année avec quelques avantages (petits poissons pour nourrir la famille et habits de travail), et ce pour un labeur réellement éprouvant et dangereux.

J’ai pu apercevoir un peu avant minuit les lumières de plusieurs dizaines de bateaux de pêche étrangers au large de la côte. Ceux-ci respectaient une équidistance manifeste, ils s’entendent sûrement sur leurs lopins de mers à exploiter. Ces bateaux seraient pour la plupart détenus par des asiatiques, surtout des Chinois, Japonais et Coréens. Plusieurs sont des trawlers, qui se déplacent lentement en raclant le fond de la mer avec leurs filets. Au dire de George, gérant de l’auberge du Beach Resort où je logeais, plusieurs d’entre ne sont qu’ici pour pêcher du « Lobster », ce qu’on devrait normalement croire être du homard, mais qui désigne plutôt en anglais local la « scampie ». Les asiatiques payent des prix exorbitants pour ces « grosses crevettes ». Le malheur, c’est que ces bateaux ne raclent pas seulement des scampies, mais aussi toutes les autres espèces qui passent par leurs filets spéciaux. Selon George, ces autres poissons périraient dans le processus et seraient ensuite jetés au large. Une destruction systématique et un gaspillage éhonté des ressources marines. Qui plus est, j’ai vu un de ces trawlers, passant avec un phare très puissant braqué dans l’eau pour attirer les crustacés très recherchés, passer à moins de 500 m de la côte avec son filet destructeur sortant derrière lui. Outrepassant la loi qui oblige les bateaux étrangers à respecter les zones de pêches des pêcheurs locaux, que les autorités ghanéennes ont par ailleurs bien de la difficulté à faire respecter vu les moyens limités de leur garde côtière, il nous est passé sous le nez. Les pêcheurs l’ont bien vu car le bateau en question ne passait pas du tout inaperçu, avec une réelle batterie de lumières blanches de bord, une série de lumières multicolores sur son mat, et surtout son phare surpuissant qui a balayé de façon insolente le village à plusieurs reprises. Le lendemain les pêcheurs étaient carrément outrés car, de surcroit, les trawlers déchirent leurs filets de nylon sur leur passage, ruinant du coup le fruit de leur labeur. Parait-il qu’ils ont appelé les autorités pour signaler la présence de ces criminels internationaux. Je l’espère.

Lire l’article suivant qui décrit avec acuité l’horreur en question.

http://www.modernghana.com/news/256805/1/two-trawlers-grabbed-for-illegally-fishing-inghana.html

Et voici un extrait de ce lien…

“In competition with one another as well as with local fishermen, foreign trawlers exploit government loopholes to increase their catches, sometimes resorting to illegal pair trawling – dragging one large net between two vessels and completely sweeping the seabed – or flying flags of convenience, where the nationality of the owner is different from the country of registration, to save on fees and taxes.”

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour, j'ai été très surprise et heureuse de lire ton article car j'étais une des huit canadiennes à Otuam. Dans un moment de nostalgie je cherchais de l'information sur Otuam et le Ghana, que j'ai tombé sur ton article! Je ne t'avais pas rencontré mais mon amie m'avait fièrement parlé d'un Québécois en moto qui était dans notre village.
Donc, simplement bonne chance dans ton travail et projets. Tes articles sont très intéressants.
Cinthia !